Lyonnet
LYONNET
A.LYONNET. Il a écrit ce livre de lectures édité par ISTRA que j’aime à évoquer. Je me suis aperçu au fil de mes petites enquêtes sur lui qu’il était à la tête d’une série de livres pour l’école primaire, de Français, mais aussi d’Histoire, de Géographie, de Sciences de l’observation. Directeur de la "collection A. Lyonnet" il ne pouvait suffire à la tâche: il s’adjoint donc un collègue, Pierre Besseige. Juste un détail – mais le diable, n’est-ce pas, a l’art de s’y cacher- : pourquoi cet A. mystérieux alors que Besseige affiche son prénom en toutes lettres, PIERRE BESSEIGE? Fausse modestie de la part du patron? Le protocole administratif ne joue pas, l’un et l’autre étant inspecteurs d’académie. Mise en valeur typographique de l’auteur réel, Besseige, auquel on redonne son entière individualité avec la mention de son prénom? Ou alors un petit tour de passe-passe: l’ordre alphabétique est respecté mais au niveau des prénoms et non des patronymes comme il est d’usage. Avec sa seule initiale le prénom du directeur de collection prend finalement plus d’espace que celui de son collaborateur qui bénéficie de caractères plus hauts mais plus étriqués. Ainsi ménage-t-on les amours-propres. Et voici qui met par terre ma si belle analyse : je viens de découvrir un livre d’histoire de la même collection qui inverse les noms ! Afin de préciser discrètement que le responsable principal en est Pierre Besseige? - je chipote ? La vanité d’auteur existe partout, même dans l’édition de manuels scolaires. Les deux compères sont en retraite après avoir accompli une belle carrière mais il y a peut-être quelque contentieux caché entre les deux : Besseige est décoré de la légion d’honneur, Lyonnet devra se contenter des palmes. Aussi se montre-t-il pointilleux sur ces détails de préséance typographique, comme les vedettes de théâtre ou de cinéma discutaient âprement la grandeur des lettres de leur nom sur les affiches.
A. LYONNET! Ce A. m’a résisté longtemps. C’est au hasard d’un site sur Istra, la maison d’édition alsacienne, que s’est révélée sa « vraie nature » : ANTOINE, tout simplement, - comme son père et son arrière-grand-père me dit Geneanet (site de Richard Arnould). Les Antoine LYONNET abondent dans le Vivarais et l’Ardèche. Craintilleux est leur berceau. Notre futur inspecteur est né à Saint-Étienne où son père était venu travailler à la fameuse Manufacture d’Armes. Sa femme est originaire de la banlieue minière, L’Horme. Besseige son collaborateur vient de Montceau-les Mines. Ainsi s’explique peut-être la volonté qu’ont l’un et l’autre de ne pas montrer que la France rurale: un centre d’intérêt est consacré à la mine et aux mineurs dans le livre de mon enfance.
C’est Antoine père (c’est le prénom fétiche de la famille) qui quitte la campagne pour l’usine à Saint-Étienne. Sa femme est couturière. Le fils aîné Barthélemy accomplit son service comme infirmier mais pendant la guerre, il sera affecté spécial à l’usine d’armement. Il a une formation de dessinateur et par son mariage il devient soyeux. Antoine ? Il s’est marié dès 1905, alors qu’il était professeur à l’école normale de Châlons-sur-Marne. Réformé pour faiblesse à trois reprises, il est quand même mobilisé en 1914, et blessé à la main. En 1917, il est affecté comme inspecteur primaire à Saint-Claude- vu les vides laissés par la guerre dans la hiérarchie de l’Instruction publique. Il poursuit sa carrière dans l’Est et c’est à cette occasion qu’il entre probablement en contact avec les éditions ISTRA : 1920 Guebwiller, 1921 Colmar, 1925 Dijon. Il atteint le couronnement de sa carrière comme Inspecteur d’Académie à Guéret. La retraite l’atteint en 1932. Il peut alors se consacrer entièrement à sa collection de manuels chez l’éditeur alsacien, en compagnie de son « associé » Besseige qui obtient son bâton de maréchal, retraite et légion d’Honneur, en 1935.