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terresdartois
4 décembre 2018

recensements: le filon

 les recensements: un filon

Quelle aubaine, surtout dans les villages car dans les villes, la consultation vire au cauchemar. Alors que j’enquêtais sur Émile GOSSART, fils de paysans de Bavincourt devenu professeur de physique à l’université de Bordeaux, je retrouve à Caen  son premier poste (au lycée Malherbe),  et son domicile, et je me mets bravement  en tête de suivre sa trace dans les différents  recensements. Je mesure rétrospectivement la chance que j’ai eue – et une bonne dose de  patience- de mettre la main sur lui alors que j’ignorais tout de la configuration de la ville : il demeurait au 8 rue de l’Académie                        

  -6- Bauet artiste peintre 69 ans,  sa femme, son fils ingénieur 30 ans,  sa fille, une domestique Clarice Tribouillard 19 ans

 -6 bis- rentière avec deux domestiques

 - 8-  GOSSART  Émile 36 ans professeur,   sa femme, Jeanne GOSSART  11m / Pauline Roger 18 ans domestique

- 8bis chef du cabinet du préfet 28 ans,   sa femme,  1 enfant d'1mois une domestique de 18 ans (1886 recensement Caen/ Caen ouest 194 / 8 rue  de l'Académie)

  La rue est calme,  restée inchangée aujourd’hui, faite de maisons « bien habitées » construites au XVIIIè siècle à en juger par les gracieux balcons en fer forgé. Face au N°8 les grands arbres d’une propriété.  Le recensement offre une belle photo sociologique. Notre jeune agrégé est en voie d’embourgeoisement : ses voisins ont une certaine « distinction » comme dirait Bourdieu, sans faire partie des plus riches; chaque ménage est servi mais par un personnel jeune, peu coûteux mais pas forcément très efficace. En 1891, il a déménagé rue Bosnières,  pas très loin. La rue est résidentielle, avec les commerces nécessaires à la vie quotidienne.  Les maisons qui en subsistent   aujourd’hui  sont sans grâce, datant peut-être de Louis-Philippe  si on se fie aux ferronneries des balcons. Elles sont vastes, première qualité pour loger une famille qui s’est agrandie, et peut-être s’ouvrent-elles à l’arrière sur un jardin bien abrité.  Trois enfants désormais. Pour être au top de la précision, il me suffira de vérifier et de retrouver les dates exactes de naissance dans les tables décennales et les  registres sans risquer de perdre en route quelque progéniture 

1891 Caen Ouest rue Bosnières gauche vue 41    .21- , 19  - sellier, blanchisseuse, épicier   . 23- Gossart Émile 41ans professeur x Marie Cerquand 34 ans  / Jeanne 5 ans ; Louise 4 ans;  André 2 ans / Caupron Louise  15 ans domestique  . 23bis Vallée inspecteur contributions  directes.  25- de Beaurepaire ancien  conseiller à la cour.

J’ai l’impression qu’on ne roule pas sur l’or dans le ménage du professeur GOSSART: une petite bonne de quinze ans est-elle une aide suffisante pour aider la mère de famille à tenir son ménage,  s’occuper de trois enfants en bas âge et remplir ses obligations mondaines pour favoriser la carrière de son mari ?

 Dans le Pas-de-Calais, comme la mise en ligne des registres se faisait toujours attendre alors que les trois quarts des états civils de la France étaient accessibles d’un clic,  il fut décidé, pour faire patienter les généalogistes, de leur donner un os à ronger : on mit en ligne les recensements. Pour certains, c’était là une piètre consolation mais faute de grives… En fait, c’était un trésor, une vraie caverne d’Ali baba dont le public ne mesurait pas toujours  l’intérêt.  Tous les habitants d’un village inventoriés maison par maison. Chaque famille  photographiée telle qu’elle est constituée à une certaine date : nom, prénom, relation dans la parentèle, profession, âge et même parfois date  et lieu de naissance (en 1872), religion aussi et infirmités – crûment désignées : idiot, aveugle, bossu. Et encore indigent, vit de la mendicité, vit de l’aide du bureau de bienfaisance.  De recensement en recensement, tous les cinq ans, s’esquisse une histoire familiale. Des enfants naissent,  n’apparaissent plus: ils sont morts, ils  sont partis en apprentissage, ils se sont mariés, on les retrouvera quelques pages  plus loin -peut-être.  Une grand-mère  vient vivre ses derniers jours chez un de ses enfants puis s’évanouit. Des voisinages apparaissent, qui expliquent des alliances futures. Bref, c’est la vie qui se déroule sous nos yeux.

            Tout comme l’Administration de l’époque, moi petit généalogiste de l’an 2000, je  suis sûr en parcourant le recensement que j’ai rassemblé toutes mes ouailles. J’en apprends même de belles.  Sans le recensement de 1820 à Bavincourt comment pouvais-je imaginer en l’absence de tradition familiale, qu’au foyer de  Modeste LEBAS mon ancêtre  vivait une servante (-maîtresse), Victoire Rosalie FRANÇAIS, la mère de son fils? Certes, en faisant la liste des LEBAS nés dans le village, je l’aurais bien vu apparaître comme mère de Martial, d’Isidore et plus tard de Benjamin mais je n’aurais rien su de son statut dans la maison. . Grâce au recensement, les ménages officieux se dévoilent.

         Quelques mystérieuses disparitions s’expliquent soudain. Qu’était-il arrivé au couple Hyacinthe GOSSART- Flavie DELATTRE  après le recensement de 1886 ? Pas de décès à Bavincourt, ni dans les villages environnants.  Les trois enfants  se sont évanouis aussi dans la nature.  Installés quelque part certes mais où, et pourquoi ? Il faut un, ou deux coups de pouce pour venir à bout de pareille énigme. En épluchant  les actes notariés (c’est une plongée en apnée dans les grandes profondeurs) le hasard a voulu que je tombe sur un acte notarié précisant que Hyacinthe demeurait avant à Bavincourt  et maintenant à Fampoux (au Nord d’Arras). Que fait un chercheur avisé? Il file voir  illico (j’ai attendu plusieurs années en fait) dans les recensements de Fampoux et tombe sur la tribu GOSSART  (moins Émile que je retrouverai plus tard) au complet autour de Jules, curé de Fampoux : son vieux père 78 ans, maman 67 ans, une tante qui coulent des jours tranquilles dans la cure, et Eugénie, 35 ans la sœur dévouée qui joue le rôle de gouvernante (Fampoux, 1891 image 4). En 1886  son prédécesseur était François HANOT  qui vivait lui aussi en famille, avec sa mère Joséphine BRIEZ 74 ans, Palmyre HANOT 36 ans sa sœur et trois neveux et nièce de 14 à 8 ans qui portent le nom d’HANOT. Des enfants naturels de la sœur qui se réfugie chez son frère ? Encore un mystère qui se révèle  grâce  à un recensement.

                  Pour terminer,  je veux signaler une singularité  et un privilège  du Pas-de-Calais : alors qu’ailleurs, les  premiers recensements datent  de la Monarchie de Juillet,  1831, ou même 1836, en pleines transformations sociologiques ou matérielle,   ici, le premier recensement conservé date de 1820 : sa présentation est soignée, les renseignements sont précis. En particulier  sont mentionnés la date et le lieu de naissance. Ceci donne une photo précieuse des villages et des trajets individuels  certes en pleine Restauration après les bouleversements politiques du début du siècle mais en permettant de retrouver  quantité d’individus nés AVANT, sous l'Ancien Régime.  L’Histoire a été cruelle avec ce département  en y détruisant  monuments  et archives de toute sorte.  On saluera sans réserve ce petit coup de pouce.

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Commentaires
A
Je viens de laisser un commentaire sur un autre article de Challenge AZ qui loue le recensement de 1820 dans le Pas-de-Calais. C'est ainsi que j'ai découvert la raison pour laquelle mon aïeul ne s’était jamais remarié après son veuvage et six jeunes enfants. Le recensement m'a montré qu'ils étaient tous avec les oncles et tantes: un par famille avec la mention, orpheline pour au moins une d'elle, la plus vieille (12 ans) qui était aussi domestique chez son oncle.
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