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terresdartois
22 novembre 2021

Mon quart breton

               Mon quart Breton 

 

                             Bécassine est l'objet d'une tentative de rajeunissement et de réhabilitation. Notre président (faut-il une majuscule de majesté ?) plaisante au Vatican  sur ces bretons  qui seraient « notre » mafia à la française  (« en plus moral »  tient à préciser Jean-Yves Le Drian). La Bretagne est à l’honneur– si on peut dire- et   j’y ajoute mon grain de sel.    Car  voyez-vous, mon grand-père maternel François  Louis JÉGOUIC  était  breton bretonnant -natif des Côtes du Nord comme on disait alors. Selon les spécialistes, JÉGOUIC est   le diminutif de JEGOU, forme bretonne de Josse (un diminutif encore -de Joseph) ou, selon d’autres, de Jacob (l’équivalent de Jacques).  C’est entre Mûr-de-Bretagne et Saint-Nicolas-du-Pélem  que le Jégouic pullule presque exclusivement me dit mon site de généalogie. Jégou est beaucoup plus répandu. Breton! une incongruité au sein  d’une famille originaire des villages aux alentours d'Arras depuis.... depuis que les registres paroissiaux  gardent leur trace. Il comprenait bien sûr le patois, c’est-à-dire le picard,  du village de Bavincourt où il avait fait souche depuis 1917  mais il ne prononçait jamais un mot de chti, ni de breton d’ailleurs -que personne n’aurait compris. Il avait gardé des liens étroits avec sa famille  restée au pays ou installée aux environs de Versailles : tous les ans il partait faire son pèlerinage, accompagné sur la fin par un de ses fils. Une année, alors qu’il voyageait en train, il avait voulu à tout prix rapporter une relique de son passé que les possesseurs menaçaient de jeter:l’horloge familiale, une comtoise à la caisse déglinguée et privée de son mécanisme. Je ne l’ai jamais entendu que s’exprimer dans le français académique appris à l’école et bien sûr dépourvu de cet accent du Nord que Dany Boon et le capitaine Marleau réussissent à rendre presque aussi acceptable que l’accent de Marseille.

   - Mais, oncle DAUC,  comment put-il se faire qu’un breton épousât une artésienne ?

   - Pas par l’opération du Saint-Esprit, mes neveux, à moins de transformer la colombe qui le symbolise en faucon car ce fut  la Guerre 14 qui réalisa cette alliance improbable.

      François Louis JÉGOUIC classe 1908, avait fait son service militaire dans  l’artillerie à Versailles. Orphelin de père, mal aimé comme ses quatre autres frères et sa sœur par une mère qui leur préférait  son dernier-né, le fruit de son remariage, il avait  quitté  au plus vite les lieux de son enfance: Gouarec, Laniscat, Plouguernevel où ses parents vivotaient sur une petite ferme en location tout en tenant à l’occasion un cabaret. Au moment de son service, il  résidait  déjà à Versailles. En 1912 il donne pour adresse le 5 rue Colbert : c’est là que se dresse toujours l’Hôtel de France dont il parlait souvent: il s’y occupait des écuries et des attelages.  Comme le reste de l’immigration intérieure bretonne, plusieurs de ses frères s’installeront également dans l’Ouest parisien : Porchefontaine, Asnières, Houdan. Le livret militaire qu’il a traîné précieusement partout le dit doté d’une solide instruction élémentaire (son écriture ferme l’atteste),  « très bon nageur » (il a appris à Gouarec dans le Blavet qui se confond là avec le canal de Nantes à Brest). Non dénué d’ambition,  aimant les chevaux, il suit le peloton de sous-officiers,  se spécialise en hippologie et devient brigadier dans un régiment d’artillerie lourde. Il doit avoir en charge les équipages.  Le début de la guerre le trouve dans le Sud de l’Artois à l’arrière des combats, à Bavincourt. Un village épargné par l’occupation allemande et les bombardements  mais chamboulé par les cantonnements de troupes françaises puis anglaises : le front et les tranchées sont  à dix ou vingt kilomètres,  au nord à Vimy, à Arras évacué de ses civils, dans tous les villages à l’est occupés ou réduits en miettes et au Sud où se déroulera la bataille de la Somme.  Une poche de tranquillité relative dont la jeune institutrice du village, Marthe Vaillant  restée« Mam’zelle »  pour tous ceux qui l’ont connue –moi entre autres comme amie de mes parents - a laissé une description récemment redécouverte par l'équipe d'histoire locale à l’occasion des commémorations.

Elle note fin 1914 : Les régiments se succèdent à Bavincourt : chasseurs, dragons, hussards, artilleurs, fantassins, nous les verrons tous. Pour certains d'entre eux, c'est le repos et pendant ces heures de calme, il n'est pas de meilleure diversion que la lecture, aussi la bibliothèque des écoles est souvent mise à contribution. Officiers supérieurs, sous- officiers, soldats tous sont heureux de trouver des livres intéressants, les prêts sont nombreux.

    Avril 1915: La circulation est très intense dans le pays, aussi en récréation les conversations ont pour objet les scènes vues en cours de route. Aujourd'hui ce sont de petits canons, des convois d'artillerie ; un autre jour, ce sont d'énormes tracteurs conduisant les pièces de marine. Une autre fois, ce sont les convois de blessés, les voitures d'ambulance.[ …] Les jours de congé, [les enfants] aiment à se mêler aux soldats, à partager leur vie. Ceux-ci leur font d'ailleurs bon accueil. Ils leur rappellent !es chers petits dont ils sont privés depuis si longtemps. Et puis, il y a tant à voir dans  le pays: baraquements où logent les troupes d'infanterie, dépôts de munitions, réparations de canons, service de ravitaillement, fabrique de grenades, scierie mécanique... etc, toutes les prairies sont occupées.

   Septembre 1915 Le village est occupé par un parc d'artillerie. Tous les jours, des convois vont ravitailler en munitions les canons qui sont en batterie.

C’est dans ces va-et-vient continuels de convois d’artillerie qu’il faut imaginer notre François Jégouic  « du 7è régiment d’artillerie lourde 5è batterie » : son cantonnement à l’arrière n’est pas une sinécure même s’il n’est pas directement impliqué dans les combats

               En 1916 les troupes françaises seront remplacées par les tommies. Ils réussissent  à tenir les Allemands à distance mais les bombardements  autour du village ne cesseront pas. L'artilleur Jégouic du 7è régiment d'artillerie lourde est cantonné là au début de la guerre

        Pendant ce temps…dans sa maison en bas du village, « Grand-mère » Mélina LECLERCQ (mon arrière-grand-mère  maternelle ) tient buvette : café, bistouille, vin.  Son mari Lucien qui a fait le Tonkin veille à freiner sa propension à tremper  le vin du soldat; sa fille Lucienne 18 ans joue les Madelon – c’est ainsi que la surnommait en douce son beau-fils Louis DEAUCOURT, mon père.

        Une idylle naquit donc entre le breton de Versailles et la fille unique de ce couple de tout petits fermiers . Selon parrain Lulu, jamais avare dans ses vieux jours  de vacheries sur son père, dans un village voisin il avait une autre bonne amie qui lui reprisait son linge…  Il n’empêche, ils se fiancent mais  devenu entre-temps maréchal des logis en 1916,  François Jégouic  doit partir à Toulouse d'abord puis pour le front d’Orient  -les Dardanelles- en février 1917.  Sept mois et demi plus tard, ayant contracté une dysenterie chronique du côté du Vardar ou de Salonique, après 20 jours de traversée sur un navire hôpital, il arrive à Toulon en septembre 1917. Il profite de son congé de convalescence pour se marier  avec Lucienne le 24 novembre 1917. Il repart – j’ignore pour quelle destination, du côté de St Dié peut-être  où il est hospitalisé  pour une double pneumonie. Après une permission d’un mois en décembre 1918, il repart aux armées(destination inconnue).Il n’est démobilisé qu’en juillet 1919 La séparation fut l’occasion d’un long échange de cartes postales que ma sœur Jacqueline et moi nous avons gardées – du moins celles qu’il a écrites. Mais où peuvent bien être passées les cartes de Lucienne? C’est un détail: l’essentiel ce fut la naissance de ma mère Françoise  le 30 juillet 1918: je suis en avance d’un mois pile pour fêter ce centenaire et honorer ainsi la mémoire  de Françoise Hélyonne. C’est  la surdité du secrétaire de mairie qui lui a valu pour second prénom un Hélyonne  saugrenu au lieu d’un Yvonne attendu en hommage à tous les Yves de sa famille, entre autres un frère et son père.

 

 

 

 

 

    

Pour honorer vraiment ce quart breton de mes gènes je  me suis inspiré  de l’idée suggérée par Sophie Boudarel, une généalogiste pleine d’inventivité, initiatrice de ce ChallengeAZ que certains connaissent peut-être. Elle proposait dernièrement de s’en remettre au hasard quand on ne sait par quel bout reprendre ses recherches généalogiques: le sort se charge de désigner un nombre, qui sera le N° de SOSA (je donne plus bas  de quoi comprendre ce sigle) d’un ancêtre sur lequel on va se concentrer. J’utilise ici une variante: ayant commencé cet article le 27 juin, dans les ascendants du grand-père François, je vais  donc chercher les 27 et 6. Le 27 correspond à Anne BOSCHER et le 6, plus proche de nous est son petit-fils Étienne Marie JÉGOUIC. Les deux sont du côté maternel de grand-père mais ces Jégouic-ci n’ont aucun rapport avec ses propres parents  (jusqu’à plus ample informé). Ils sont apparus dans la famille par le mariage  de Jeanne Françoise Le Reste (fille d’Anne Boscher et Pierre Le Reste) avec un Jégouic,  Yves Joseph -lui  aussi de Laniscat. À Bavincourt, village de 300 habitants existent de la même manière des LEBAS ou des LECLERCQ sans aucun lien avec mes ancêtres.  Ici cette homonymie se révèle particulièrement fâcheuse et décourageante: elle brouille les recherches dès qu’on remonte au-delà de l’Ancien Régime. En effet les registres paroissiaux  sont peu explicites. Les recteurs bretons qui les tiennent font preuve d’une incurie remarquable :   par refus de la paperasse ou par sourde résistance à tout ce qui vient du pouvoir central,   très souvent ils n’indiquent ni père ni  mère -encore moins la profession, ou toute caractéristique qui permettrait de lever les équivoques. En somme, si on remonte depuis grand-père François,  le N°6 Étienne Marie Jégouic est son grand-père maternel et le N° 27, Anne Boscher,  est son arrière-arrière- grand-mère maternelle.

              On ne gagne pas à tous les coups: cette numérologie d’un nouveau genre  me met face à un constat piteux, à un résultat décevant. Positivons: j’avais laissé complétement en plan cette branche. Et maintenant que mon attention a été attirée dessus, j’ai épinglé quelques nouveaux ancêtres, j'ai complété des informations. Mais à la paresseuse: en  recopiant le travail d’autrui. Je vois mal comment aller plus loin, même en retournant aux registres paroissiaux. Je reste sur ma faim, ayant finalement seulement appris que Le Reste signifie le bouleau. N'est pas Alain Corbin qui veut. Restituer autant que faire se peut la vie, le monde, la vision ds choses d'un parfait anonyme, homme de peu  pris au hasard dans les registres de l'Orne, c'est un pari audacieux, une confiance dans sa propre capacité à faire parler les archives les plus arides ou les plus inattendues.  Avec ce fameux "Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot", il  a pourtant tracé une voie dans laquelle les humbles, les besogneux  généalogistes se précipitent dès lors qu'ils se soucient de donner quelque épaisseur à toutes ces fiches détat civil  qu'ils accumulent sur les "sans nom " - et certainement "sans dent" - d'autrefois ., Même en s’inspirant de la démarche d’Alain Corbin  il va être difficile de nourrir la biographie de ces ancêtres et de ne pas se contenter de les réduire à  une pauvre fiche d’état-civil, dont l’existence pourtant est déjà une victoire, au prix d’un travail ingrat et fastidieux.

    Alors, un peu de détente pour finir et de dérision grâce à ces vieilles cartes postales qui sans vergogne ont créé , popularisé, diffusé les clichés (dans tous les sens du terme) de la Bretagne pittoresque. On voulait éviter Bécassine et on termine sur deux curiosités, cette place de Laniscat  bizarrement occupée par  ce que j’interprète comme  une partie de saute-mouton, comme si c'était une coutume des autochtones et ce vieillard en habit traditionnel:  "dernier" certes pour la vêture mais heureusement la descendance est assurée grâce à sa fille et sa petite fille qui l'encadrent! Nos colonies seront de la même manière la source de séries à succès : « le Maroc pittoresque », « scènes et types » d’Algérie ou d’Indochine…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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-       Bavincourt dans la  guerre

http://mairie.bavincourt.fr/wp-content/uploads/2014/07/guerre-14-18-r%C3%A9cit-de-Marthe-VAILLANT.pdf

 

court récit par l’institutrice qui venait d’être nommé en mai 1914

Chanson  « Quand Madelon »

 Madelonhttp://www.paroles.cc/chanson,la-madelon,196205

https://www.la-croix.com/Culture/Musique/Quand-Madelon-2014-08-11-1190583

L’article explique clairement les raisons du succès de la chanson auprès des poilus. On ne saurait évidemment demander à "La Croix" d'évoquer la version paillarde que je viens de découvrir sur la Toile. 

-       Généalogie

https://www.geneanet.org/nom-de-famille/JEGOUIC

https://gw.geneanet.org/vjung?lang=fr&p=jeanne+francoise&n=le+reste

https://www.geneanet.org/nom-de-famille/LE%20RESTEhttp:/https:

//fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Corbin#Notes_et_r%C3%A9f%C3%A9rences

  • Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot. Sur les traces d’un inconnu (1798-1876), Flammarion, coll. « Champs » (ISSN 0151-8089) no 504, Paris, 1998, 336 p. (ISBN 978-2-08-080036-7)

-       Vie du soldat en 14-18

www.imagesde14-18.eu/wp_xilopix_js/?filters[categories]=Vie%20des%20soldats#/wp_xilopix_js/

Recueil de photos rares

-       Canal de Nantes à Brest et Blavet

     https://fr.wikipedia.org/wiki/Blavet_(Bretagne)#%C3%89tiage_ou_basses_eaux

https://www.qwant.com/?client=ext-firefox-sb&q=canal+de+nantes+%C3%A0+brest&webext=4.2.6

 

 

 

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