avril 2018. Coucou le revoilou
AVRIL 2018
Année singulière. La Pâque chrétienne et la Pâque juive tombent le même jour, et qui plus est un 1er avril. Chacun commentera ces coïncidences selon son humeur ou ses convictions. S’agissant de ma petite personne et de mon ambitieux projet de rédiger un almanach, le sort a eu raison de ma fatuité. J’ai raté mon entrée en 2018 et sur ce blog l’année nouvelle s’ouvre avec un trou de trois mois. Trois mois de pluie, de neige, de gel loin de ma campagne berrichonne. Un hiver rude et sans fin que j’ai passé bien au chaud, servi par un personnel dévoué, nourri par un traiteur correct (sauf quand c’était l’horrible Sodexo). On était loin pourtant des paysages idylliques vantés par les croisières Costa ou par les agences de voyages
La photo ci-dessus est trompeuse: non, ce n’était pas un séjour VIP à la prison de la Santé mais une convalescence prolongée près de la Cité de la Musique. Lors d’un premier passage-éclair j’avais pu apprécier depuis ma fenêtre donnant sur la rue l’audacearchitecturale d’un lycée de briques des années trente très apprécié par l'auteur du site http://www.paris-promeneurs.com/Architecture-moderne/Lycee-technique-d-Alembert ).
Au fond, qu’importe (sauf pour moi) si les premières pages de l’année 2018 ont disparu aux oubliettes : j’aurai plus d’une occasion de revenir sur les événements historiques et familiaux d’un centenaire qui est aussi l’anniversaire de la naissance (complétement lié à la guerre) de nos deux parents à Jacqueline et à moi. Puisque j’inaugure en avril la reprise de cet almanach, il est un événement dont je ne voudrais surtout pas rater la commémoration : le mariage, en pleine guerre, des auteurs de nos jours Louis DEAUCOURT et Françoise JÉGOUIC. C’était à Bavincourt Pas-de-Calais le 6 avril 1942. Un lundi. Faute de pouvoir me déplacer je n’en saurais dire plus pour le moment car les actes ne sont pas encore numérisés.
Ces deux-là semblaient destinés l’un à l’autre, j’ai l’impression. Pourtant, bien des obstacles se dressèrent en travers d’un chemin tout tracé. Et d’abord les circonstances historiques. La mobilisation, la déroute, l’armistice, la création de zones occupée et non-occupée, avec son cortège de difficultés quotidiennes pour circuler, correspondre, se ravitailler, gagner sa vie. Sans compter quelques dissensions familiales. Dans ce contexte, le dénouement d’un scénario simplissime, le Happy End évident se fit attendre plusieurs années.
Or donc, qui étaient-ils ? D’où venaient-ils ? Où allaient-ils? Particulièrement oiseuses en la circonstance ces questions que pose Diderot aux premières lignes de Jacques le Fataliste. Les futurs étaient du même village, se connaissaient depuis toujours et se fréquentaient depuis le premier jour. À la génération des grands- parents, Lucien le grand-père de maman était ouvrier agricole dans la ferme de Léonard, grand-père de Papa. Son « patron » lui prêtait attelage et outils pour travailler ses propres lopins de terre. Papa était copain avec « mon oncle » Marcel, le frère de maman.
Une photo révélatrice montre Mlle Vaillant veillant (pas fait exprès) sur sa troupe maigrelette de la « petite école ». En bas, Papa (tout à gauche) et Marcel arborent de superbes galoches cloutées. Mais où est Françoise ? Une seule possibilité: avec ses joues rondes et son cache-nez à pompons, c’est celle qui se mord les lèvres pour ne pas éclater de rire alors que son futur et son frère restent sérieux et attentifs comme tous leurs camarades. Le cliché date de 1925 ou 26. C’est Manm'zelle (comme on l'appelait) qui va persuader les parents de Françoise et de Louis de leur faire suivre des études secondaires à Arras avec un argument imparable: cela ne leur coûterait quasiment rien. Et en effet, grâce à la préparation efficace qu’elle avait su leur donner, ses deux meilleurs élèves obtiennent par concours une bourse d’internat, avec, évidemment, chaque année une obligation de résultats. Ils sont donc entrés en sixième aux lycées d’Arras. Les filles étaient installées rue Gambetta dans l’ancien couvent des dames Ursulines, un exemple insigne de Gothic revival construit par Alexandre Grigny. Architecte diocésain très en faveur, il construisit beaucoup dans la région, ce qui le rend quasiment inconnu aujourd’hui: les bombardements de deux guerres ont effacé du paysage la plus grande partie de ses œuvres édifiées par malchance sur la ligne de front ou à proximité.
La démesure du clocher originel avait dû susciter bien des commentaires avant de constituer une cible facile pour l’artillerie ennemie. De cartes en cartes, on peut suivre les ravages des tirs sur un édifice moins fragile qu’on l’aurait cru.
La reconstruction d’entre les deux guerres, fit rentrer la tour dans la norme. Pourquoi cette construction saugrenue ? Grigny, féru d’architecture médiévale rendait en fait hommage à un édifice qui avait longtemps (dé)paré la Petite Place, la Sainte Chandelle élevée en commémoration de la Chandelle miraculeuse qui avait guéri tous ceux qu’avait atteints au XIIè siècle « le mal des Ardents » par l’ergot du seigle. Les deux guerres avaient raccourci le monument; il revint à Guy Mollet la tâche/tache de le faire disparaître carrément. Maire d’Arras, il voulut mettre à profit sa position de président du Conseil pour doter SA ville d’un lycée de filles ultra-moderne qui étale sa façade en demi-cercle de l’autre côté, sur le boulevard Carnot. On rasa donc la tour, le couvent adjacent et dans la foulée ce qui restait d’un rempart et d’une tour où Jeanne d’Arc avait fait étape sur la route vers son bûcher. On finit sur le tard par donner un nom à ce « lycée de filles ».
Sans chercher bien loin, ce fut « lycée Gambetta », qui désignait la rue où il s’élevait. C’est ce bâtiment qu’ont fréquenté Jacqueline ma sœur puis sa fille.
Quant à moi, je fus inscrit au « lycée de garçons » en tout point inchangé depuis que papa y avait été pensionnaire (avec Guy Mollet comme surveillant d’internat !). Il a fallu Mai 68 pour que triomphe le vieux projet de le nommer lycée Robespierre, du nom de l’enfant du pays bien connu.( http://www.amis-robespierre.org/Quand-le-Lycee-de-Garcons-d-Arras.html ) Tour de passe-passe en fait : est ainsi désigné le lycée récent construit sur une partie des jardins de la citadelle. L’ancien , situé rue Aristide Briand était un élégant hôtel particulier du XVIIIè appartenant au Comte de Beaufort. La Grande guerre ne l'avait pas épargné. Il fut reconstruit à l'identique.Il abrite désormais un collège commémorant le poète lépreux Jehan Bodel, une célébrité moins sulfureuse que Maximilien mais difficile d'accès pour qui n'est pas médiéviste ou patoisant picard. Son Jeu de Saint Nicolas contient cette réplique bien sentie "brun pour li" seul souvenir qui me reste d'une oeuvre étudiée en licence il y a 56 ans...