Saint Maurice
Saint Maurice ?
Un prénom sans âge. Actuellement on ne peut même pas le dire démodé: plutôt inutilisé, ignoré. Il a toujours été rare en fait -au 17è, au 18è et dans la majeure partie du 19è siècle (moins de 0,1%) et puis soudain à partir de 1860 sa popularité s‘envole jusqu’à atteindre des sommets en 1920 ; suit la dégringolade jusqu’en 1960, date à laquelle il disparaît quasiment.
C’est un saint compliqué : je ne l’aurais pas imaginé avant de commencer ma petite recherche. Mauritius fut un centurion romain originaire d’Égypte mais martyrisé au voisinage du lac Léman avec sa troupe de soldats chrétiens pour avoir refusé de sacrifier au culte impérial. Patron des guerriers, très apprécié des nobles mais à l’occasion des Croisades sa spécificité d’égyptien est mieux prise en compte : il devient peu à peu un saint NOIR d’autant que son nom latin Mauritius évoque les maures, les sarrasins à peau noire. Légionnaire romain blanc, dès 1250 à Magdebourg un sculpteur fait de lui un Sarrasin noir à cotte de mailles. Peau noire peau blanche : les deux représentations coexistent même! Du coup, le Maurice à l’épiderme d’un noir profond devient le patron … des teinturiers, en référence aux difficultés techniques rencontrées pour fixer cette couleur
On redescend sur terre. Géographiquement, en France sa présence est très peu homogène. La Savoie le plébiscite : c’était un des patrons de la maison royale car son martyre a eu lieu par ici. D’autres régions le connaissent à peine, la Bretagne par exemple, comme le confirment mes fichiers : 9 Maurice chez des ancêtres regroupés autour de Laniscat et Mûr de Bretagne. Même rareté en Artois, et de façon singulière, alors que les mêmes terroirs sont concernés, du côté de mes grands –parents maternels pas un seul Maurice, du côté paternel on en compte 11 dont 4 DAUCOURT ! De la même famille, et cordonniers comme l’ancêtre le plus lointain que j’aie repéré, le maître-cordonnier Antoine Jean-Michel qui exerçait à Wailly, à 15 kilomètres d’Arras au début du 18è siècle! Des artisans parmi les moins bien lotis s’arrogent donc un prénom quasiment réservé aux puissants. Prétention ou inconscience.
Le curieux de l’affaire, c’est que cette fantaisie naît dans le seul esprit d’un des onze enfants d’Antoine DAUCOURT, Pierre Louis (1744-1793) et sa femme Rosalie Hyacinthe Morel (1758-1827). Il est cordonnier comme son père et quitte Wailly pour s’installer à Rivière, le village tout proche de sa femme Rosalie Hyacinthe MOREL. Ce sont eux qui choisissent comme prénom Maurice pour leur 3ème garçon. Pourquoi ? Pour honorer sans doute le seul Maurice que je vois dans les parages : un frère de la marraine et de la mère, né en 1760 et ainsi prénommé par ses parents, Nicolas Morel menuisier à Rivière et de sa femme Marie Joseph Lecointe. Quelles étaient leurs motivations ? Je donne ma langue au chat.
Maurice Joseph DAUCOURT (1785-1859) n’est pas cordonnier comme son père ou son grand-père mais maçon à Rivière. Son prénom, il ne peut le donner à sa descendance, deux filles qui meurent en bas âge. Il le passera à des neveux : le fils d’Augustin né en 1809, décédé après 1866 et installé cordonnier à Berneville, dans l’Arrageois, le fils de son frère cordonnier Prosper –installé à Ficheux, qui meurt à 1 mois en 1818, le fils enfin de son frère cadet de Rivière : Maurice François, militaire qui meurt sans descendance à Rivière à 26 ans lors d’un congé. Décidément, ce prénom trop lourd pour des manants ne réussit pas à ses porteurs.
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https://actuelmoyenage.wordpress.com/2017/10/26/saint-maurice-et-captain-america-des-heros-noirs/
http://africultures.com/saint-maurice-le-saint-noir-devenu-blanc-3888/