10 a o û t que d'eau..
...que d’eau jusqu’ici. Pleuvra, pleuvra pas à la St Laurent ? « Froidure à la Saint-Laurent, froidure à la Saint-Vincent ». Ne même pas pouvoir compter sur la consolation d'une belle vendange? Gel, mildiou se sont ligués cette année. Rien de nouveau pourtant. Nihil novi sub sole constatait l'Ecclesiaste dans la Vulgate. - glorieuse platitude devenue exemple de grammaire latine avant de se glisser dans les pages rose du Petit Larousse. Tant pis pour les clichés, je suis trop content de ma trouvaille dans « Gallica », le site de la bibliothèque nationale de France.
Je vous la baille illico: la pluie avait déjà gâché l'été 1860 surnommé l'été gare à l'eau. Une revue en avait fait son refrain D’où sors-je ce scoop inutile? De Pierre Véron, dans le Monde Illustré du 10 août 1871 pour qui l’été 1871 fera également date. La suite de son article est d’une actualité confondante comme dirait Achille Talon, expert en rhétorique fleurie Nous vivons on peut le dire entre le feu et l’eau. Tous les jours une douzaine d’averses et quatre ou cinq incendies. Charmante condition ! Existence enchanteresse. Ajoutez que pour nous combler tout à fait de joie les nouvellistes s’évertuent à nous prophétiser un choléra aussi corsé que prochain. Je ne sais si vous en avez fait la remarque, mais depuis que l’on a entrepris dans les journaux de nous renseigner minute par minute sur tout ce qui se passe aux quatre coins du monde, nous rebondissons positivement d’abominations en désolations. L’habitude terrible qu’a prise la presse de se bourrer de chroniques médicales nous vaut chaque matin à notre réveil les surprises les plus adorables !... Autrefois il y avait pour les confidences funèbres des feuilles spéciales que les médecins consultaient pour se tenir au courant, mais le public ne voyait pas perpétuellement planer au-dessus de sa tête l’épée de Damoclès des épidémies. Aujourd’hui, il ne meurt pas
dix personnes au Kamtchatka d’une maladie quelconque sans qu’aussitôt dix articles dogmatiques et réconfortants entreprennent de nous prouver que ladite maladie ne peut manquer de nous arriver en faisant un détour plus ou moins long. Malgré les intempéries, le « Paris Match » de l’époque garde ferme le cap : au lecteur resté à l’abri ou rescapé des souffrances et des catastrophes de « l’année terrible » et de la Commune il faut livrer son comptant de mots, d’émotions, d’images et de souvenirs. Apeurer au rappel des destructions dont Paris a été le théâtre ; en contre-point, du tout frais : l’incendie –strictement accidentel- de l’archevêché de Bourges. On nous écrit de Bourges, le 23 juillet 1871 : un événement aussi épouvantable qu'imprévu vient de jeter la paisible population de Bourges dans la consternation la plus profonde et dans la stupeur. Pendant la nuit qui vient de s'écouler, vers trois heures du matin, l'incendie se manifesta tout à coup dans le palais archiépiscopal. […]. Il n'en reste plus que des murs dévastés et d'immenses cheminées qui projettent sur l'horizon leurs silhouettes noircies et désolantes. […]Tout ce qui a pu être sauvé a été porté dans les nefs de l
a cathédrale, qui sont encombrées d'objets de toute nature plus ou
moins atteints, plus ou moins respectés par le feu : livres, ornements sacerdotaux, vêtements, meubles, tableaux, etc. Il paraît que Mgr de la Tour d’Auvergne a perdu dans ce terrible événement des valeurs importantes et des manuscrits précieux.
Rassurer : les révoltés sont matés et d'ailleurs où sont les dangereuses « pétroleuses » ? L’image des « communeuses »et de leurs parents venus leur rendre visite à Saint-Lazare, la prison des femmes, est dénuée de toute velléité d’en faire les créatures de mauvaise vie au faciès hideux que se complaisaient à décrire les reportages du Gaulois. Pitié plutôt et commisération devant ces scènes de familles séparées. Mais la réhabilitation n’est pas pour demain. La répression continue ; les conseils de guerre - qu'on a multipliés dans la région parisienne, fonctionnent sans discontinuer. Jules Simon a certes visité les pontons de Brest ou de Rochefort et demandé l’élargissement de
nombreux prisonniers sans importance, ce qui lui vaut le surnom parmi eux, ironise Le Gaulois, de « saint-Simon ». Quant aux autres, toujours pédagogique, le Monde illustré dit tout en texte et en image sur leur future destination, cette Nouvelle Calédonie, aux antipodes, qui s’apprête à recevoir les condamnés les plus redoutables – ou les moins chanceux. Et voici qu’à l’Assemblée de Versailles un petit vieillard s’est fait malmener physiquement par un haut gradé costaud et hystérique. Une aubaine pour le Gaulois. Cependant le vainqueur, le Prussien, pèse toujours de tout son poids, malgré les communiqués triomphants sur le paiement de la dette et la levée de l’occupation dans trois départements
1921 Un Metoo masculin en avant-première ? Voici une grave question que L’Intransigeant de ce 10 août aborde en éditorial : en cause le bien-être masculin : « Cols durs. Cols mous? Il s’agit de savoir si nous autres, les hommes, nous allons porter des cols hauts ou des cols bas, des cols mous ou des cols empesés, des cols fermés ou des cols bien ouverts
jusqu’au milieu de la poitrine.
Le mouvement de l’homme contre le col haut et durement empesé est parallèle au mouvement de la gent féminine contre le corset. Le corset prenait la femme à la taille et il la coupait en deux. Elle nous a dit : — Vous m’empêchez de digérer. Là-dessus nous lui avons permis [sic] de se dégrafer définitivement. Le col droit, empesé et raide, prend l’homme par le cou et il l’étrangle. L’homme, à la fin révolté, s’écrie : — Vous
m’empêchez de respirer! Il ne ment pas. Plus vous dépensez d’argent pour être élégamment « colleté » […], plus étroitement vous êtes saisi à la gorge. Il vous faut user d’un tire-bouton.
Premiers pas discrets vers une « pipolisation » de la vie politique : devant l’objectif du photographe de l’Intransigeant, Lloyd George et Aristide Briand s’accordent une pause-cigarette en marge d’une conférence sur la Haute-Silésie mais restent engoncés dans les cols durs du protocole. Le Maroc quant à lui donne du fil à retordre à ses protecteurs espagnols malgré le renfort inopiné d’une Madelon de la légion étrangère (française) : À défaut de renseignements nouveaux sur la
situation politique à Madrid, et militaire à Melilla, enregistrons cette nouvelle information amusante, publiée par, un journal madrilène: Le premier jour de l’attaque des Rifains sur Nador, la population de Melilla fut en proie à l’affolement mais cet état d’esprit fut changé, peu de temps après, par le fait qu’un bataillon de la légion étrangère, venant de Ceuta, et qui venait de débarquer, traversait la ville, musique en tête, en chantant « la Madelon ». Les choses ont leur destin et les chansons leur rôle : celui de la Madelon est de créer le réconfort.
C’est là qu’en 1935 Duvivier tournera La Bandera, un quasi documentaire sur le Rif, centré sur la réhabilitation de Jean Gabin au sein de la légion étrangère (espagnole).
10 août 1951. Vacances gâchées pour les aoûtiens : la une de Paris-
Presse les a immortalisés stoïquement figés pour la photo en impers transparents et parapluies devant les flots de l’Atlantique. Antidote : le « maître de la lumière", Sorolla (décédé le 10 août 1923). Pour vous consoler voici ses plages éclatantes, ses femmes (corsetées, pas corsetées ?) dans leurs robes immaculées jouant de l’ombrelle et des écharpes emportées par le vent frais sur fond de flots bleus et de sable étincelant. Oublié le parloir de Saint-Lazare et les parapluies de l'île de Ré?
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La Bandera https://www.dailymotion.com/video/x2l5cwv
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