ABCDoc -70 T comme tourisme, THIERS, temps des cerises
T O U R I S M E
Avec une belle assurance je prétendais ( lettre R) que les ruines du Paris de la Commune avaient suscité un tourisme que
cinquante ans plus tard, après la première guerre, le Nord sinistré n’avait pas connu. Erreur erreur! Curiosité malsaine, compassion sincère et pèlerinage des familles sur les lieux des hécatombes se mêlant, ce fut au contraire un flux ininterrompu qui se mit en place dès la fin des hostilités, même dans les conditions les plus précaires, dans les amoncellements de gravats d'où chacun essayait d'extraire une relique.
T H I E R S T r a i n . T r i b u l a t i o n s
Dans le gouvernement de la défense nationale, Thiers est chargé par le ministre des affaires étrangères Jules FAVRE, d’aller chercher des appuis dans les différentes capitales pour obtenir une médiation favorable. A 73 ans, le voilà embarqué dans un tour d'Europe qui n'a rien de touristique. Il est à Londres du 13 au 20 septembre puis à Viennele 25 et l26, Saint-Pétersbourg du 28 septembre au 12 octobre, Florence. Il arrive à Tours le 21 octobre, sans résultat, cependant que Paris continue d’être assiégé. La France est isolée face aux exigences de capitulation de la Prusse. L'Assemblée élue le 8 février et le gouvernement dirigé par Thiers
siègent à Bordeaux . Ce n’est pas une mince affaire de s’y rendre alors que plus de la moitié de la France jusqu'à Vierzon est aux mains des prussiens. Le député Hugo a mis vingt-sept heures avec sa suite de huit personnes . Il a tout noté briévement dans "Choses vues". Ah! ce faisan acheté à Vierzon!
Le 28 février, Thiers retardé par un accident de chemin de fer du côté de Poitiers finit par arriver à Bordeaux en fin d’après-midi, épuisé par une semaine de négociations et par les séquelles de son interminable et vain périple à travers l’Europe. Sans prendre de repos, il file directement à l'Assemblée - le grand Théâtre de Bordeaux- pour énoncer d'une voix à
peine audible les conditions prussiennes - un journaliste note qu’il pleure-.
Il se contente finalement de lire un préambule et charge un de ses collègues de détailler les conditions de la paix. Mais, souligne perfidement le Rappel, il retrouve toute sa voix pour demander qu’on ratifie d’ « urgence » les conditions. Une fois le siège de Paris levé, le gouvernement et l'Assemblée pourraient rejoindre la capitale mais on préfère s'installer à Versailles, entouré de troupes
sûres tandis que Paris est aux mains des plus déterminés opposants à la capitulation . Le fils du père Duchêne du 3 mai 1871 peut bien crâner en moquant la lenteur des représailles du "dictateur Thiers", la situation militaire de "l'insurrection" comme on dit à Versailles est désastreuse.
La répression par les versaillais sera terrible comme on sait. Ce qui
n’empêcha pas un monarchiste féroce de s’en prendre physiquement en pleine assemblée à celui qui provisoirement cumulait , avec l’assentiment – presque- unanime ,les fonctions de chef du gouvernement et de chef de l’Etat
Quelle ville n’a pas sa rue ou sa place Thiers ? Encore que Mai 68 ait été parfois fatal au grand homme ( grand, non par sa taille, souvent raillée, mais par son rôle majeur dans la vie politique du XIXè siècle) Ainsi ce fut pour les édiles d'Arras l'occasion de se
souvenir d'avoir longtemps eu un maire socialiste, Guy MOLLET: après avoir officiellement donné au "lycée d’État de garçons " le nom de Robespierre l'arrageois le plus illustre , ils ne supportèrent plus dans la foulée la présence d'une rue Thiers en plein centre de la cité, à deux pas de la maison natale de l'Incorruptible, rue des rats porteurs: le boucher versaillais dut céder sa place à Eugène POTTIER , chansonnier communard d’origine lilloise auteur en pleine Commune des paroles de l’Internationale. En 2019, Dunkerque débattait encore du sujet: fallait-il rebaptiser la rue Thiers en rue de la Commune. Thiers sauva sa tête. Au Mans et ailleurs il coule des jours plus tranquilles.
L e t e m p s des c e r i s e s
Écrite et mise en musique quelques années avant la Commune la complainte amoureuse reste fortement associée à cet épisode mal assumé par la mémoire nationale, dans une métaphore magnifique où la poésie s’allie à l’Histoire et à l’anecdote. L’auteur des paroles, Jean-Baptiste Clément, était un chansonnier communard, combattant de la Semaine Sanglante. En 1882, il dédie sa chanson à une ambulancière anonyme de la barricade de la Fontaine-au-Roi « À la vaillante citoyenne Louise, l'ambulancière de la rue de la Fontaine-au-Roi, le dimanche 28 mai 1871" "Nous sûmes seulement qu'elle s'appelait Louise et qu'elle était ouvrière. Naturellement, elle devait être avec les révoltés et les las-de-vivre. Qu'est-elle
devenue ? A-t-elle été, avec tant d'autres, fusillée par les Versaillais ? N'était-ce pas à cette héroïne obscure que je devais dédier la chanson la plus populaire de toutes celles que contient ce volume ? »(Wikipédia)
Bienvenue au pays des algorithmes : tapez le temps des cerises et vous aurez une bonne dizaine de créateurs de jeans et de restaurateurs . Si le restaurant de la Butte aux cailles cultive la mémoire d'un haut lieu de la Commune, celui qui fut un temps ma cantine près du Boulevard Henri IV se contente d'être situé rue de la Cerisaie
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Temps_des_cerises
Marc Ogeret : https://www.youtube.com/watch?v=H2KkALOiS1I