Le 31 du mois d'a-oût
Au trente-et-un du mois d’août (bis)
Nous vîmes venir sous l'vent à nous (bis)
Une frégate d’Angleterre
Qui fendait la mer et les flots
C’était pour attaquer Bordeaux !
Buvons un coup,
Buvons en deux,
À la santé des amoureux !
À la santé du Roi de France,
Et merde pour le roi d’Angleterre
Qui nous a déclaré la guerre !
https://www.youtube.com/watch?v=WdvOyVM6hIg
Chanson de marin, chanson à boire ,
chanson de rentrée
Car cette chanson est pour moi liée à l’école , à Monsieur Duputel qui s’accompagnait à la clarinette pour nous en faire retenir les paroles. Il n’était pas effarouché par son refrain. « Merde » étant violemment proscrit, on lançait un « zut » plutôt nunuche mais la bienséance était sauvegardée.
En ce temps-là, mes petitzenfants , le 31 août, la rentrée était loin de nos préoccupations: on avait encore tout le mois de septembre pour jouer, s’ennuyer un peu, pester contre le cahier Magnard de devoir de vacances qu’il fallait remplir jusqu’au bout –en attendant de retrouver les jeux de la cour de récré, et pour moi, l’école primaire à classe unique de la cité des marronniers en périphérie d’Arras.
Bien évidemment la chanson pue le chauvinisme à plein nez mais le ton anti-anglais relevait pour nous , dans le Nord, du pur folklore intemporel de pirates, et de corsaires à la Jean Bart le héros de Dunkerque – ou plutôt en l’occurrence Surcouf. Car si nos voisins anglais nous horripilent parfois, ici, on n’oublie jamais que par deux fois des milliers de jeunes gens sont venus à notre rescousse et ont laissé leur peau dans les collines de l’Artois ou de la Somme: pas un village de la région sans son cimetière anglais aux tombes bien alignées sur son gazon parfait . À Vimy le monument aux canadiens érigé sur la crête domine le pays minier ; à Thiepval une immense ( et pataude) arche de briques veille sur les innombrables victimes des batailles de la Somme.
Chanson de rentrée aussi,grâce à Wikipédia: Lartesien replonge avec délice et effroi dans le byzantinisme de l’explication de texte à la française. Une notice doctissime élucide le texte de la chanson, costume trop large pour une œuvrette sans prétention. Approches historique, sociologique, idéologique, ethnographique, psychanalytique même . Tout y est , jusqu’aux évidences criantes. Les couplets font appel à un vocabulaire maritime précis (frégate, crocher, gabier, matelot, larguer les ris)...le refrain n'est pas du tout lié à l'univers marin. La gestuelle associée au chant permet de renforcer la cohésion du groupe des chanteurs .[…]L'univers festif est présent dans le refrain, avec les paroles « buvons un coup » et « à la santé ". Le chant incite ainsi à boire du vin ou de l'alcool, de manière collective, pour célébrer la victoire : « le chant est associé à la victoire, signe de la fin du conflit et d’un retour à la paix, dans le but de souder le groupe autour d’un esprit festif afin de parer aux diverses tensions générées par la vie communautaire Caricature des exégèses que l’enseignement universitaire sait produire en la matière. Un pastiche, une parodie pour candidat(e) à feu l’IUFM ( ou son successeur).
Au fait, tout est faux dans ce chant de marins fabriqué au XIXème siècle, à part l’abordage et la prise d’un navire anglais par une corvette française trois fois plus petite. La chose eut lieu près de l’embouchure du Gange et non au large de Bordeaux, le 7 octobre 1800 et non un 31 août.Quant au tableau de Garneray visible à La Roche-sur-Yon, c'est un chef d'oeuvre de duplicité ou de stratégie publicitaire: s'il rend un hommage magnifique à la splendeur du navire anglais, alors que la modeste corvette française n'apparaît que dans les lointains, c'est pour mieux mettre en valeur l'audace des marins de Surcouf qui n'hésitent pas à s'attaquer au monstre des mers.
Ingrat blogueur , qui se moque d’une encyclopédie universelle si souvent consultée, et qui brûle ce qui l’a fait vivre, et qu'il il a (un temps) adoré? – C’est sûr, en lisant la notice, vous saurez tout tout tout sur la zançon. « Vous mourrez moins bête … mais vous mourrez quand même »
et Bonne rentrée !