ABCDoc-70 I/ INfo../..INtox. "victoire...
...de SEDAN"
Il faut oser pareille manchette. Le petit Journal du 4 septembre ( fabriqué le 3) s’offre ce luxe, alors que le télégraphe fonctionnait et que ses informateurs ne pouvaient lui laisser ignorer que depuis deux jours l’Empereur était en résidence surveillée, que des milliers de soldats avaient été faits prisonniers. Thomas Grimm, "l'envoyé" du journal offre un reportage martial des opérations « en cours » « Mézières, Sedan, Montmédy, Thionville, Metz, ligne de feu et de fer sur laquelle viendront se briser les efforts des Prussiens […]. Les Prussiens repoussés avec de grosses pertes auraient perdus TRENTE CANONS. À demain les détails . Démenti cruel de l’actualité : en ce 4 septembre, le parisien le moins informé sait qu'il se trame quelque chose et dans la journée, à l’Hôtel de Ville de Paris, une poignée de députés va proclamer la République et former un gouvernement de défense nationale
Déjà le numéro de la veille, tout en dépeignant les routes encombrées de fuyards gagnant Paris , cédait sans vergogne au triomphalisme concernant cette bataille de Sedan: les bruits qui circulent portent à des chiffres énormes les pertes des Prussiens dans cette journée du 31 août. On parle de quatre-vingt mille hommes hors de combat. Ce chiffre est sans doute exagéré [sic] ; nous le répétons tel qu’il nous arrive des contrées voisines de l’action. En résumé la situation de notre armée est excellente. Les deux chefs le maréchal de Mac-Mahon [assiégé dans Sedan et qui s’est rendu à l’heure où le journal est distribué] et le maréchal Bazaine [enfermé obstinément dans Metz] sont libres de tous leurs mouvements […] Bazaine peut aller où il veut : il est ravitaillé de vivres et de munitions ; il a des troupes excellentes et nombreuses. Voilà notre situation et certes il ne faut pas moins que l’exemple de l’héroïque Bazaine pour que nous n’inscrivions pas en tête de ces lignes ; Victoire. Mais patience, elle viendra. Sans commentaire: CHAQUE phrase est une contre vérité
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En novembre, au moment le plus crucial, c'est le gouvernement lui-même, sommé par la Prusse de négocier , qui doit avouer dans le "Journal Officiel" son absence totale de prise sur des événements qu'il ignore en partie. Le Gaulois fait évidemment ses choux gras de pareil aveu d'une désinformation organisée par la Prusse.
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Le Siège de Paris avec son enfermement obligé, ses rationnements de plus en plus stricts, et l'ignorance quasi totale de ce qui se passe dans le reste de la France va être l'occasion de toutes sortes de
bruits propres à susciter l'effervescence - une fièvre obsidionale, cyniquement créée et entretenue par Bismarck.
Le commerce de l'alimentation en ces temps de pénurie est l'objet de toutes les attentions, et spécifiquement un personnage dont le succès fait des jaloux: Félix POTIN -au nom prédestiné. Se déclenche contre lui une campagne de presse : plusieurs journaux le donnent pour mort. Le Paris-Journal du 28 novembre fournit un luxe de détails sur l'affaire , quitte, dans un sursaut final de prudence ou d'honnêteté, à prendre quelque distance avec ce "scoop" qu'il n'a pas résisté à la tentation de publier sans vérification . Face à toutes les accusations mensongères Félix POTIN, le suicidé, ressuscite, répondant avec panache sans s'embarrasser de discours. Beau joueur, le Paris- Journal rétablit longuement une vérité tout à l'honneur de l'épicier. Il fait suivre cependant ce démenti d'un long plaidoyer pro domo assez pitoyable : Nous nous applaudissons de n’avoir accepté que sous bénéfice d’information la nouvelle qui
nous avait été apportée de l’arrestation et du suicide du propriétaire de la maison d’épicerie Potin . Une visite minutieuse a été faite dans ses magasins et ses caves et cette visite n’a absolument rien produit[…] Nous ne regrettons pas d’avoir provoqué cette sorte d’enquête. On joue beaucoup depuis quelque temps avec le fantôme de
l’accaparement[…] Cela doit
nous enseigner à nous autres gens de la presse, que notre devoir est de nous montrer circonspects avant de prononcer ce mot de sinistre mémoire
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En 1871 le Versailles de Thiers et de l'Assemblée est un microcosme paranoiaque prompt à nourrir les pires fantasmes sur les Communards, en particulier celui d'une attaque des parisiens alors même que la ville est un vaste camp retranché. Quant au Cri du Peuple, en pleine Semaine Sanglante, il continue à rêver d'une victoire impossible
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La fameuse dépêche d'Ems fabriquée par le chancelier Bismarck avait mis le feu aux poudres. Avec cet exemple venu du plus haut, les prussiens ne se privent pas
de grossières falsifications que les officiels comme la presse se plaisent à souligner, surtout lorsque le dénommé Lavertujon n'a jamais été gouverneur de Paris! Pour une fausse nouvelle découverte, combien d'autres ont réussi à semer la peur, le doute, la désorganisation.
La propagande, le bobard, la manipulation n'ont pas attendu Donald TRUMP
pour
prospérer