ABCDoc-70 B/ ...B A L L O N
C’est Nadar, habitué à utiliser une montgolfière pour ses photographies aériennes qui eut l’idée de ce moyen insolite et acrobatique pour permettre au jeune Gambetta (32 ans) d’échapper à l’encerclement, de passer par- dessus les lignes ennemies et de rejoindre une délégation gouvernementale à Tours d’où il essaiera inlassablement d’organiser la résistance. Le départ de l’Armand Barbès (un républicain décédé 3 mois plus tôt) accompagné du George Sand le 7 au matin depuis St Pierre de Montmartre commence mal : le vent du Nord pousse les passagers au-dessus des lignes prussiennes ; ils essuient des coups de feu mais réussissent en lâchant du lest à s’échapper. Ils atterrissent dans un arbre du côté de Beauvais et sont délivrés par des paysans. Après un périple de trois jours en carriole et en train par Amiens et Rouen, Léon atteignit enfin Tours.
Dans la presse, le récit du départ des ballons quitte peu à peu le ton épique - ou très mondain comme sous la plume du chroniqueur du Figaro- pour s’attacher aux aspects techniques de l’embarquement des passagers, du courrier, des journaux et des pigeons. On fabrique les engins dans les gares désertées par le trafic ferroviaire. Il faut former en accéléré des aéronautes recrutés parmi les marins et les gymnastes et le constructeur ou le directeur de la poste supervise l’embarquement. Au début le « lancement » – aussi extraordinaire à cette époque et dans ces circonstances que pour nous celui des premièrs vols spatiaux habités- avait lieu en pleine journée mais les aérostats constituaient une cible trop facile à repérer. Les opérations se firent ensuite en pleine nuit. L’obscurité, les conditions météorologiques de plus en plus pénibles (froid intense, neige,tempête) et en janvier les bombardements nocturnes, rendaient les départs sportifs, et les voyages hasardeux avec toujours l’angoisse de l’accident, d’un atterrissage en catastrophe dans un endroit inconnu ou hostile, et la crainte que des dépêches importantes et les précieux pigeons tombent aux mains de l’ennemi. Seuls liens fragiles qui reliaient Paris au reste de la France les ballons portaient des noms glorieux comme autant de talismans -pas toujours efficaces: Lavoisier, Bourbaki, Faidherbe, la République. La navigation de nuit, à la boussole, au gré des courants aériens relevait de l’aventure. Parti le 23 novembre 1870, l’Égalité (frété par MM Wilfrid de Fonvielle et le Comte de Villoutrey, -animés peut-être par l'esprit du 4 août 1789?) « a heureusement atterri à Louvain », nous apprend La Presse du 15 décembre. Le Jacquard s’abîma en mer d’Irlande. Un ballon
s'égara jusqu'en Norvège. Le Ville de Paris, parti le 15 décembre de la gare du Nord à 4h du matin tombe –ironie du sort- en Prusse à la fin de la matinée, livrant les plans secrets de coordination des actions militaires entre Trochu et Gambetta. Le Général Chanzy lancé le 20 décembre parcourt inutilement 750 kms qui le font capturer en Bavière. Plus chanceux le Général Faidherbe (13 janvier 1871) atteint la Gironde. Les passagers du Vauban furent faits prisonniers du côté de Verdun. Le dernier ballon lancé fut, comme un pied de nez, le général Cambronne, le 28 janvier . Marqué du mot célèbre il parvint dans la Sarthe.