13 décembre , le saut de la puce...

...À la Sainte-Luce:

« À la Sainte-Luce, le jour avance d'un saut de puce. »

Toujours bon à  prendre alors qu'on s'enfonce dans le brouillard et la nuit.  Le jour du solstice, le 20-21 décembre,   le  soleil commencera réellement à se coucher  plus tard. Mais  à partir du 13  décembre  il se lèverait un peu plus tôt.  En réalité  qu'on prenne le jour par un bout ou par l'autre,  astronomiquement le dicton est faux  : il date d'avant la réforme grégorienne : le 13 décembre du calendrier julien correspondait  au 26 décembre actuel, quand effectivement, les jours rallongent - très modestement. Honneur malgré tout à  LUCIE  de Syracuse, victime des persécutions dioclétiennes . Elle est surtout fêtée en Suède , même depuis que le pays s'est  converti  au protestantisme.  Coïncidence qui n’en est pas une :  Lucie vient de Lux, lucis la lumière en latin. En tout cas, dixit Wikipédia, la fête a suscité un peu partout des rites de lumière et de fécondité. Invoquée pour guérir les maladies oculaires ( elle  porte même ses yeux sur un plateau)  c’est la patronne des aveugles, des ophtalmologues... et des électriciens.

LUCIE connaît de nombreuses variantes ou diminutifs féminins : LUCE, LUCETTE, LUCIA,LUCILE, LUCY,  et  des formes masculines : Lucio, Lucilio,

 Honneur particulier à JOSSE(† vers 669):  tout comme François Jégouic,comme mon grand-père maternel qui a fait le grand écart entre sa Bretagne natale et l'Artois où il a fait souche, saint Josse , connu là-bas sous le nom de Judoc , fils de prince,  après bien des cheminements, se retire dans la vallée de l'Authie. L’église du village de St Josse  près de Berck-Plage renferme la plupart des reliques du saint . Les marins pêcheurs d'Etaples dans le Pas-de-Calais  y faisaient un pèlerinage en famille afin d'implorer sur leurs filets la bénédiction du saint au début de la saison du hareng. 

 Le prénom est rare, mais il connaît beaucoup de variantes  phonétiques régionales et de diminutifs dont  JOSSELIN(E), JOCELYN(E), ainsi que JOYCE prénom mixte d'origine anglaise.

Revue de presse du 13 décembre 1871    La dernière sur la Commune.

Vague de froid sur la France et l’Europe depuis plusieurs jours . Le Petit Journal  note -21° à l’Observatoire pendant la nuit du 11,  -15° pendant la journée, -18° aux bords de

la Seine. Le petit bras de Seine est pris ; le fleuve est également pris au pont de Saint-Cloud. Le service des bateaux-omnibus est interrompu. Au froid extrême s’ajoute la neige.  « le froid est général en France le thermomètre est descendu à 14° à Lyon, à 12° à Lille, 13° à Rouen. Le lendemain, le 12, le temps a subitement changé; hier le thermomètre ne marquait plus que 3 degrés au-dessous de zéro. Le dégel est probable, d'autant plus que nous allons entrer dans la nouvelle lune.
Les rues sont toujours encombrées de neige la circulation est assez difficile.
La Seine est prise partout. Toutes les lignes des omnibus continuent à être desservies, mais le nombre des voitures a été diminué de près d'un tiers, et la plupart cessent de marcher à neuf heures du soir.  Dans beaucoup d'endroits, le gaz n'a pu être allumé samedi soir. Dans d'autres, il ne s'est décidé à brûler que fort avant dans la soirée, l'eau qui se trouve dans les compteurs ayant gelé. Le trafic ferroviaire est complétement  perturbé.  « Le petit journal » note avec satisfaction une amélioration le vendredi : « les trains les plus retardataires sont arrivés vers midi, en retard seulement de sept heures ». Le courrier n’a pu être distribué, les journaux d’Allemagne et d’Italie ne sont pas arrivés.

Situation aggravée par la politique d’économie drastique des édiles. Véron, le directeur du « Monde Illustré »  ronchonne « On a commencé par nous supprimer l’éclairage. […] Puis est venu le tour du balayage. […] Quant à la neige, enrhumez-vous, crottez-vous, cassez-vous les reins, traversez les boulevards à la nage dans une purée de glace […]Nous passons notre temps fort tristement, errant à tâtons dans les ténèbres et les giboulées, ou remorqués dans d’affreux fiacres qui d’un pas lent et boiteux vous cahotent d’ornière en ornière.  Chacun s’enferme chez soi. Le soir on se croirait en Sibérie, et quelques ours blancs ont déjà été signalés dans la rue Vivienne ( le Monde Illustré 16 décembre 1871)

 Le bon côté des choses selon « le Petit Journal »: Hier matin il y avait plus de cinq cents personnes au club des patineurs, qui se livraient à l’art délicat de glisser sur la neige ;  l’avenue de l’Impératrice était sillonnée par de nombreux traîneaux de l’effet le plus pittoresque. Une gravure du « Monde Illustré » donne  des Champs-Élysées  une vision digne des grands romans russes

Envers du décor :  une patrouille rue de Bruxelles à deux  heures du matin aperçoit une masse informe gisant à terre : c’était le cadavre d’un enfant de 13 à 14 ans, portant le costume classique des pifferari [ jeunes musiciens italiens ambulants] et ayant serré contre son cœur un petit violon dont les cordes étaient brisées[…] Le pauvre enfant avait été gelé et la mort devait remonter déjà à quelques heures. On n’a absolument rien  trouvé dans les poches du petit musicien (Le Figaro 13-12-1871)

POLITIQUE. 

On appréciera la perspicacité du Figaro dans sa  réponse à un correspond "naïf" qui veut démontrer que tous les républicains ne sont pas des "communeux".

Le séjour de COURBET à Sainte-Pélagie (une prison pour dettes) a les honneurs du Petit Journal : un prisonnier  incommode et exigeant. Le surveillant en chef préférerait garder cent voleurs et autant d’assassins plutôt que d’être chargé de la surveillance de dix détenus politiques et d’un journaliste .Il dessine une grande partie de la journée. Il prétendait établir un atelier. Refusé;mais il a eu  droit  à un chevalet, des pinceaux, des couleurs. N’ayant pu obtenir un modèle  il s’est mis à peindre des fleurs, un bouquet posé sur un tapis de pourpre qui lui a été donné par le bey de Tunis en 1864 

Gaston CRÉMIEUX (suite) L’émotion suscitée par la mort du chef de l’éphémère Commune de Marseille n’est pas retombée quinze jours après . Il était mort en commandant lui-même l’ordre de tirer et en criant « Vive la République ». On avait manifesté en masse à Marseille. Sans aucun commentaire, Le Petit Journal publie les remerciements que sa veuve adresse aux Marseillais pour leurs marques de sympathie »Si je pouvais parler à la foule nombreuse qui se pressait samedi devant la demeure des tristes survivants et dimanche à la dernière demeure de la victime, je dirais […] je suis fière de pouvoir me dire la veuve de Gaston Crémieux ; de Gaston mort comme savent mourir les républicains, en soutenant jusqu’au dernier soupir les opinions de toute sa vie[…] ses fils n’oublieront pas la fatale journée du 30 novembre 1871, ils se dévoueront pour le peuple qui a aimé leur père et comme lui ils aimeront la République pour laquelle il est mort. C’est ma mission de leur inspirer ce sentiment. Cela seul peut me rattacher à la vie ». Sur deux colonnes l’éditorialiste du Gaulois,  quant à lui, (probablement le polémiste Léonce Dupont)  ne se prive pas –sur un ton  fielleux mêlé d’antisémitisme- de sermonner la veuve  et d’ironiser sur son engagement politique «quelle énergie est la vôtre ! Nos mères et nos sœurs, simples bourgeoises il est vrai et réactionnaires, n’auraient jamais eu le courage que vous montrez. Il appartenait à une républicaine de donner cet exemple. […]Ayant eu l’occasion de voir et d’entendre le citoyen Crémieux, je sais quels sentiments il pouvait inspirer à une femme de votre caractère et de votre opinion. Il avait le beau type de sa race : l’œil noir et brillant, la chevelure opulente. Quoique petit de taille, son geste et son port semblaient le grandir. La nature l’avait doué d’une voix sonore très

 harmonieuse et d’un intarissable langage […] Il est mort en criant « Vive la République ! » [...] Vous semblez plus touchée qu’il ait pensé à la République que s’il avait pensé à vous […] Lorsque les gens de la réaction qui s’intéressaient le plus à vous madame, croyaient que vous étiez abîmée dans la douleur, vous vous trouvez apaisée par quelques manifestations populaires. Vous vous relevez fièrement et l’œil sec devant le cadavre dont la vue vous enorgueillit. Quant à ses enfants, qu’elle se propose d’élever dans l’amour de la République, Vous feriez mieux assurément, madame, d’exercer vos fils à l’obéissance, à la soumission et de les préparer, non pas à continuer l’œuvre malsaine de leur père mais à réparer autant que possible le mal qu’il a fait [...]. Une femme engagée, un fusillé  juif,  franc-maçon et républicain, c’était beaucoup pour le journal conservateur !

1921  Météo : rien du froid sibérien  de 1871. Même dans  ses dessins alimentaires,

Poulbot pose un regard tendre sur  une enfance parisienne privée d’affection.  À Berlin,  sur le seuil de son hôtel, enveloppé du lourd manteau du conseiller Belloc, le prix Nobel Anatole France en route pour Stockholm, offre aux journalistes un  bon sourire à travers sa longue barbe blanche pour

déclarer qu’il adore Lénine « lequel travaille au progrès de l’humanité » . Au même moment, dans la même ville, un autre écrivain célèbre, longtemps proche de Lénine : Gorki,  qui sourit dans un visage amaigri . Il va être transporté dans un sanatorium de la Forêt noire. C’est  « le journal bolchevique « Novy Mir » qui l’annonce selon Excelsior : sa santé  inquiète affirme-t-on. Lui s'inquiète aussi pour sa vie: à multiplier les critiques il commence à être dérangeant. Bienvenue tuberculose : on l’a laissé quitter Moscou en octobre ; il ne reviendra en Russie , à l’appel de Staline, qu’en 1929 .

1931  

Achetez français clame un défilé de pères Noël. Et voici en avant-première,  sur les

timbres  de Terre-Neuve ( New found land) celle qui n’aurait jamais dû régner, la petite Elizabeth, fille du duc d’York, le futur George VI. L’histoire ne repasse pas les plats affirme-t-on. Espérons-le à voir l’actualité de ces derniers jours. Mais parfois, Clio s’amuse à nous envoyer des petits signes ...ou des leurres 

                                                         -o-o-o-o

Concluons,  comme c'est bientôt Noël, sur une note d'optimisme et

de confiance  aveugle  en  notre avenir colonial.

Cédons à l'appel des agences de tourisme,  restons sourds comme  Albert Sarraut et le baron Gourgaud  aux dénonciations  de Gide, que relaie Léon Blum, dès juillet 1927,  dans son éditorial  du Populaire .