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terresdartois
30 novembre 2021

30 novembre expiations et ingratitude mais ...

 

... fêter les  ANDRÉ  quand même.ANDRÉ, prénom valeureux s’il en est, viril  en diable– mot risqué par les temps qui courent : il désigne en grec  l’homme, le mâle –ἀνήρ (anḗr), génitif ἀνδρos (andros)  - , l’Homme, l’être humain se disant Άνθρωπος (anthropos).    Vite un dicton bien placide: « À la Sainte-Catherine, l'hiver s'achemine, à la Saint-André, il est acheminé. ». Et un autre,  qui ravira les stations de sport d’hiver : « Neige de Saint-André, peut cent jours durer. »

 

berry jean duc détail

30 novembre 1340  Une naissance qui va nous illuminer : à Vincennes, celle de  Jean duc de Berry, commanditaire d’un magnifique livre de prières : les très riches heures. En ouverture, pour janvier, il s’est fait représenter recevant les vœux de ses obligés, bien au chaud  dans sa  houppelande d’un bleu rutilant, couleur coûteuse aussi bien pour les teinturiers  que pour l’enlumineur.

maison bleue (2017_05_27 12_00_15 UTC)Du bleu encore et de l'ingratitude.  Envers Denise GLASER née le 30 novembre 1920 ,  101 ans jour pour jour .  Denise GLASER ? « Discorama », émission mythique de la télé publique , c’est elle: chaque dimanche à 12h30 pendant 16 ans , dans un décor minimaliste , cette découvreuse de talents était habile à faire parler son invité, dont s’était souvent la première apparition télévisuelle.  Elle est morte en 1983 dans la misère  et la solitude, tombée en disgrâce auprès du pouvoir  et oubliée des artistes

arr maison bleue 1919

qu’elle avait contribué à faire connaître. A Valenciennes où elle est enterrée existe depuis 2014 une rue Denise-Glaser; pourquoi pas à Arras, sa ville natale ?  Et j’en viens à ce BLEU. Sa famille avait fondé et tenu jusqu’en 1967  « la maison bleue », un magasin de nouveautés et de confections en plein centre d’Arras, dénommé d’abord fort banalement « le coin de rue ». Pourquoi ce nom? mystère. Le quartier ayant été bombardé pendant la première guerre,famille et magasin  s’était repliés près de la gare , boulevard Carnot, où Denise naquit . La reconstruction avait permis de remplacer l’immeuble antérieur sans attrait par une pimpante construction art déco au fronton fleuri. Durant la seconde guerre, le commerce fut « aryanisé », et « la maison bleue » était une adresse

mort jap b301à la sinistre réputation: y étaient installés   les bureaux du  STO qui faisaient la chasse aux réfractaires.

 Revue de presse de 1871 

Figures féminines :

 Le Monde illustré a repéré (pour s'en gausser) un hommage de Sainte-Beuve aux épouses d’hommes de lettres :   Quoi de plus touchant que  de voir dans un intérieur simple, modeste, ce travail intellectuel de l'homme, ce recueillement et ce silence de la pense respectés, compris par la femme, qui, quelquefois même, dans un coin du cabinet et l'aiguille à

1871 25 -11 le Monde illustré pauline Viardotla main, y assiste! (25 novembre 1871). le genre de texto mortel pour les émules d’Alice (Coffin) et de Sandrine(Rousseau).

    Dans la même livraison,  en contrepoint d' un grand portrait de l’artiste,  hommage appuyé à Pauline Viardot ( la sœur de la Malibran) pour sa nomination de professeur au Conservatoire de musique de Paris : En 1860, elle obtenait un nouveau succès dans l'Orphée, de Gluck, au Théâtre-Lyrique. Nous ne parlerons pas ici de la résurrection du répertoire classique, où Mme Viardot a déployé une intelligence d'élite, ni des nombreux concerts de charité auxquels elle n'a cessé d'apporter le concours le plus empressé. Tout le monde a entendu la voix si souple et si étendue de cet admirable mezzo-soprano, où le goût et la méthode égalent le sentiment et l'expression. On sait que Mme Viardot est l'auteur de plusieurs compositions importantes, d'un opéra en deux actes, le Dernier Magicien, et d'une opérette, l'Ogre

Et en avant-première   (mais on reste dans le contexte de la guerre franco-prussienne et la résurgence des compositrices): 30 Novembre 1884: première de Lutèce, symphonie dramatique d'Augusta HOLMÈS à Angers. Non, ce n’est pas la sœur de Sherlock mais une anglo-irlandaise fortunée naturalisée française. De solides études musicales aves les plus grands, comme César Franck, l'admiration de Saint-Saëns, elle vit en ménage  pendant quinze ans avec Catulle-Mendès (surnommé "crapule m'embête"par son beau-père Théophile Gautier ). Elle aurait dû se méfier, la fière Augusta : ils eurent cinq enfants et notre délicat poète parnassien l’abandonna quand elle fut ruinée. "Lutèce", dont à la façon de Wagner elle a écrit le texte et la musique, se  veut  glorification des vaincus Gaulois face aux Romains. L’allusion est transparente. On attend avec impatience un enregistrement pour pouvoir juger sur pièce.

1871 28 novembre exécution de Rossel, Ferré, Bourgeois

1871 30-11 gaulois exécution de Rossel

Les "expiations" de novembre 71

 La presse quotidienne depuis deux jours ne s’occupe que d’un événement : l’exécution militaire le 28 novembre à l’aube, dans le camp de Satory près de Versailles de  Rossel, Ferré et du sergent  Bourgeois.  Ils avaient été jugés et condamnés à être fusillés en juin. Malgré les appels de tout bord , la Commission des grâces constituée d’une dizaine de députés versaillais  avait refusé toute commutation de peine. Rapport du commissaire central de la police qui a assisté à l’exécution :  "ROSSEL est tombé le premier, la mort a été instantanée ; 7 balles dont deux avaient traversé le cœur, l’avaient atteint en pleine poitrine - B0URGEOIS et FERRE avaient été moins bien visés ; trois balles seulement, dont les blessures n’étaient pas mortelles, les avaient frappés l’un et l’autre et ils ont dû recevoir le coup de grâce pour amener la mort. La contenance de ces

ferré théophile

 

Rossel_ louis1

 

Sergent_Pierre_Bourgeois

trois malheureux a été digne ; ils n’ont pas eu un moment de faiblesse."( cité par Maitron). Commentaire de Victor Hugo  – Voilà la peine de mort politique rétablie. Crime. (Choses vues p.247)  C’est surtout le sort du capitaine ROSSEL qui émeut  et dérange l’opinion publique.  Ferré est un communard patenté, révolutionnaire « de carrière » ; Bourgeois est inconnu. Mais ce militaire de carrière patriote, qui s’est échappé des prisons prussiennes,  pourquoi a-t-il rejoint le camp  des communards et de la populace ? Le 25 novembre, dans son dernier numéro avant d’être suspendu, le Rappel, (journal  inspiré par Victor HUGO) s’inquiétait de la décision qu’allait prendre la commission des grâces: c’est une étrange façon de rendre la justice que d’avoir fait juger le capitaine Rossel , qui a voulu

1871 30-11 le petit Journal Une Rossel

sauver Metz [il avait mis au point une stratégie de contre-attaque qui fut rejetée par Bazaine] avant le maréchal Bazaine accusé de l’avoir livré. Mais ce serait un scandale sans précédent, nous osons le dire, de supprimer l’un des témoins les plus en mesure de faire la preuve d’un crime qui, ayant causé la ruine de la France, dépasserait à coup sûr, à lui seul, tous les crimes reprochés à la Commune. Personne ne peut songer à se jouer ainsi de l’opinion publique, en écartant du grand procès qu’elle attend impatiemment, l’un de ceux qui peuvent y faire la lumière

    « L’expiation » ce terme religieux revient partout; en titre du    Gaulois et du Petit Journal.

1871 30-11 gaulois UNE

Est-ce avouer qu’il fallait à tout prix des  boucs émissaires à une classe gouvernante,  à une caste militaire  qui avaient failli? Dans le double rôle de la  victime et du coupable Louis ROSSEL est exemplaire. C’est une personnalité hors du commun, un homme cultivé,   qui dessine avec talent– un stratège dérangeant, un républicain, un protestant, fils d’un colonel qui avait refusé de prêter serment à Napoléon III. Malgré son peu de sympathie pour la Commune le Gaulois se garde de tout triomphalisme,  presque tenté dirait-on, par la pitié  et sensible à la versatilité de l’opinion (oublieux aussi de ses propres variations) : « Versailles n’est jamais bien gai, surtout en hiver[…]; on ne rencontrait hier dans les rues que des figures abattues sur lesquelles une grande douleur était peinte. Malgré moi je me suis rappelé ces mêmes bourgeois, ces mêmes ouvriers hurlant après les convois de prisonniers pendant la Commune ; il semblait que si on les eût mis à mort à ce moment-là, la foule entière se serait ruée pour aider les exécuteurs. J’ai vu alors que tout s ‘oublie et s’oublie vite, en France surtout. Les otages assassinés, Paris en cendres, nos soldats massacrés, tout cela était loin. Il ne restait qu’un ou deux des nombreux complices de ces attentats et leur expiation a rempli de tristesse l’âme de ceux qui auraient été cinq mois auparavant leurs plus terribles juges »

1871 30-11 gaulois UNE

L’événement engendre une grande frustration : tout s’est passé dans une enceinte fermée, devant une assistance réduite. Rien de comparable avec les exécutions  capitales sur un échafaud dressé au milieu d'une foule nombreuse. Comment exploiter ce grand moment- impossible à traiter en direct , d'autant que le 30, ce n'est plus une nouvelle?  Tout comme le Petit Journal, Le Gaulois fait sa Une et la deuxième page avec le récit pas à pas des derniers moments des condamnés et des phases de  l’exécution. On se lance dans un surcroît de détails  (comme le Petit Journal) on fait  sa manchette d’un scoop  (Le Gaulois):  la reproduction pleine page en fac simile des ultimes  mots écrits par Rossel  ( obtenus comment?).     Cependant  pour l’essentiel, Le Figaro  les a grillés: la veille il avait retardé sa parution  jusqu’à midi pour publier le récit de l’exécution écrit par son collaborateur à l’imprimerie même dès son retour de Versailles à neuf heures . Le débat  reste d’actualité : comment garder le juste milieu entre course au sensationnel et droit à l’information ? Faut-il dire toute la vérité ?  On reproche en effet au reporter du Figaro d’avoir publié des détails choquants : un chien échappé de l’assistance est venu flairer (lécher selon certains) le visage de Ferré Cet affreux détail est de la plus rigoureuse exactitude. Un fait de cette nature ne s’invente pas face à un cadavre. Le journal n’est pas peu fier de la stratégie qu’il avait mise au point pour être le premier  à publier dès le matin même de l’événement  « un récit qui se vendait dans tout Paris à midi et demi » ( au lieu du lendemain matin  ou même le 30, comme son confrère Le  Gaulois). Aucune  fausse pudeur. « Le Figaro fidèle à ses habitudes de journal bien informé devait se mettre et s’est mis en effet en demeure de fournir à ses lecteurs tous les

1871 30-11 Figaro détail des chiens exéc Rossel

détails rigoureusement exacts de cette scène lugubre. Telle n’est pas la manière de certains journaux bien-pensants, trop bien-pensants, sans nul doute, pour se permettre un luxe d’informations dont la clef leur manque ». Et de tacler vigoureusement un confrère , qui l’a pillé sans vergogne et joue les pères la vertu: la Cloche a imaginé un moyen neuf, ingénieux qui est une trouvaille :  "Peu de monde assistait à ces exécutions. Nous empruntons au Figaro qui avait envoyé des reporters à ce spectacle, les détails qu’ils ont pu recueillir. Nous regrettons que ces curieux disent trop de choses. Il y a dans ces solennités lugubres des circonstances que la pudeur du public veut ignorer ; et les plus coupables, quand ils ont expié, deviennent respectables même pour des reporters. Nous ne tranchons rien. Nos lecteurs apprécieront". Là-dessus la Cloche reproduit notre article in extenso, ce qui, au premier abord, semble peu logique avec ses airs de dégoûté, mais ce qui au fond est d’une simplicité élémentaire : le lecteur est servi, tout le monde est content – et ça ne coûte rien. Et n’est pas plus difficile que cela ». Et pan sur le bec!

Autre "expiation,"   ce jour-là -à Marseille: Gaston CRÉMIEUX   ( homonyme d’Adolphe Crémieux) avocat, principal acteur de l’éphémère Commune de Marseille, condamné à mort en juin par un tribunal militaire est fusillé dans les jardins du Pharo. Malgré l’insistance et les espoirs de Thiers, marseillais comme lui, la commission des grâces ne lui avait reconnu aucune circonstance atténuante. Victor HUGO : Gaston Crémieux qu’on vient de fusiller à Marseille était un beau et intelligent jeune homme de trente ans. Il était de la réunion des journalistes qui a eu lieu chez Charles à Bordeaux [son fils récemment décédé ]. Charles l’avait en amitié . Il laisse une veuve de vingt ans et trois enfants. ( Choses Vues p. 247)

 Une chose reste sûre  cette année : l’hiver est acheminé en ce jour de Saint-André.  

Le 30 novembre 1921, il y a un siècle, j’ignore le temps qu’il faisait  mais il est clair que  Landru allait expier lui aussi, des crimes qui ne faisaient de doute pour personne

1921 30 nov Landru excelsior

et  perdre la tête  malgré les pantomimes talentueuses de son défenseur dont Excelsior régale ses lecteurs.

                                                         

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1871 30-11 Figaro la reine

 

1921 30 nov excelsior train Bdx

Denise GLASER   https://www.bing.com/videos/search?q=denise+glaser+enterrement&docid=608000836233490741&mid=7737871AA3D5F24740617737871AA3D5F2474061&view=detail&FORM=VIRE

Colombe Schneck: « Denise Glaser est morte dans la misère et la solitude » - Bing video

https://www.bing.com/videos/search?q=denise+glaser+enterrement&docid=608051211905278180&mid=E0BB7CA8539B6B2625B

Denise Glaser — Wikipédia (wikipedia.org)

ROSSEL     https://maitron.fr/spip.php?article70102

FERRÉ : blanquiste très  impliqué dans la direction de la Commune. Lors de son procès, il refuse de se

1921 30 nov excelsior circulation

défendre  https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9ophile_Ferr%C3%A9

BOURGEOIS :  fils d’un sabotier de Dôle, il s’était engagé pour 7 ans dans l’armée. Exemple même du lampiste   https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Bourgeois_(militaire)

Gaston CRÉMIEUX

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaston_Cr%C3%A9mieux

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D
Cet exposé rigoureux, fruit d'une savante recherche, nous fait découvrir des épisodes jusqu'ici ignorés de notre Histoire. Merci à l'auteur!
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