la merlette doit couver

15 février 2021

15 février pauvre merlette !

Dure, dure l’injonction du dicton A mi-février, la merlette doit couver. Par les temps qui courent, la voilà transformée en maman manchot transie sur sa banquise, ici en Berry, en tout cas! On annonce un redoux mais ce lundi 15 février 2021 bien des merlettes risquent de grelotter, ne sachant à quel saint se vouer. Onésime ? « S'il neige à Saint-Onésime, la récolte est à l'abîme ». Faustin, le saint en titre des anciens calendriers ? Avec Valentin (le 14), Lézin (le 13), Séverin (le 12) il forme une sacrée bande: Séverin et ses coquins font tout geler sur leur chemin. Variante : « Séverin, Valentin, Faustin sont tout gelés sur leur chemin ». De toute façon, ce Faustin et son frère (ou sa sœur) Jovita ont été expulsés du calendrier catholique en 1969: le récit de leurs martyrs accumulait à l’envi les « performances » habituelles des candidats à la sainteté, et pourtant plusieurs villes d’Italie Brescia, Rome, Milan se réclamaient de leur patronage. S’en remettre à Saint Walfrid (VIIIème siècle) auquel est consacrée une église de la banlieue de Sarreguemines? Après avoir eu et élevé cinq enfants, il décida, de concert avec son épouse, de mener la vie monastique à Palatiole en Toscane. Au milieu des restrictions de tous ordres dues au Covid, un tel plan d’abstinence conjugale hors procréation, est-ce bien raisonnable? Quant au Claude officiel, c’est un jésuite du 17ème siècle trop historique pour plonger dans le folklore : le « vrai » se fête un autre jour.

>>>>Dernière minute: la merlette va pouvoir se mettre au travail, sous le soleil puisque décidément la douceur se confirme. Et les blés sont sauvés.

Une valeur sûre quand même pour notre oiselle courageuse ou inconsciente: Georgette, et ses dérivés tels Georgia, Georgina: existe bel et bien une Sainte Georgette décédée le 15 février 500 à Clermont- d’Auvergne (date de naissance inconnue). Une anachorète mérovingienne dont Grégoire de Tours enjolive la vie de pénitence d’une charmante légende – qui ,me semble-t-il, ornait aussi gracieusement la fin d’une autre sainte figure, mais je prends quand même : tandis qu’on conduisait sa dépouille à l’église, surgit de nulle part un immense vol de colombes qui l’accompagna jusqu’à l’église. Elles restèrent sur le toit tout le temps des cérémonies puis elles la suivirent jusqu’au cimetière et veillèrent le tombeau le reste de la journée pour s’évanouir ensuite dans le ciel, comme pour attester de sa virginité et de sa sainteté. Trop beau, mais qu’importe. Le sûr, c’est la vogue incroyable et soudaine à partir de 1900 de cette forme féminine de Georges: l’apogée se situe en 1922 : 0,4% des filles de cette année-là se prénomment Georgette ; la dégringolade après la seconde guerre mondiale est totale, comme celle des Josette, Ginette, Bernadette, Lucette et autres Mauricette. Je doute que la mode en France soit liée à une soudaine dévotion envers notre confidentielle sainte auvergnate.

J’y verrais plutôt l’effet d’une anglophilie globale des français après la première guerre mondiale dont bénéficie la personne pourtant pâlichonne du petit-fils de Victoria, Georges V : un quart de siècle durant il va régner sur la Grande Bretagne et son immense empire, de 1911 à 1936. il affiche fermement dans le moindre détail son ancrage britannique et le souci, malgré ses origines allemandes, de s’opposer pied à pied aux ambitions effrénées de son cousin-germain Guillaume II. On sait comme son fils Edward VIII ne manifesta pas les mêmes préventions à l’égard de l’Allemagne nazi et de son chef.

Une Georgette à détacher du (f)lot : Georgette ELGEY (24 février 1929- 8 octobre 2019) pas seulement pour sa monumentale histoire de la Quatrième République que cette gaulliste de choc tenait à réhabiliter, mais pour le combat que sa mère, sa grand-mère puis elle-même menèrent sans succès afin de faire reconnaître par la loi et la famille la paternité - de notoriété publique- de Georges Lacour-Gayet, vénérable historien membre de l’Institut , spécialiste de Talleyrand et grand tartuffe devant l’Éternel…. Une des rares femmes journalistes politiques. Et quand il fallut choisir un nom de plume, l’enfant naturelle Georgette Léon choisit comme un pied de nez L –G brandissant les initiales de cette famille et de ce père bien –pensants qui avaient refusé, avec le soutien de la Justice, d’assumer leur responsabilité .

15 février 1710 (et environs). Un point final est mis à la vindicte de Louis XIV et des jésuites contre Port-Royal des Champs : on commence à raser l’abbaye, comme Rome fit de Carthage. Je vous/m’épargne le récit compliqué des affrontements entre le pouvoir royal et cette abbaye de femmes qui fut un foyer du jansénisme, un repaire d’âmes fortes, des hommes, ces « solitaires » qui éduquèrent Jean Racine, futur historiographe de l

eur pire ennemi- et tout au long du siècle, des femmes, des Jacqueline, Jacqueline ARNAULD, (1591-1661) abbesse, Jacqueline PASCAL (1625-1661), la sœur de Blaise, grande pédagogue -. D’autant plus pointilleuses sur leur libre-arbitre que le pouvoir religieux et l’autorité royale exerçaient des pressions de plus en plus fortes sur les dernières occupantes. Le 29 octobre 1709, déploiement de force insensé: le préfet de police accompagné de plusieurs compagnies de Gardes françaises emmène vers leurs différents couvents d’exil quinze sœurs et sept converses. Je sens dans cet acharnement la main de la Maintenon. C'est ma bête noire, je l'avoue, cette favorite bigote qui poussa à la révocation de l’Édit de Nantes, probablement la plus grande erreur du règne, elle - la propre nièce d’Agrippa d’Aubigné, ardent poète de ce protestantisme qu’ au détour des « Tragiques » il désignait par ce vers ineffable « une rose d’automne est plus qu’une autre exquise ».

15 février 1820 naissance de Susan Bronwell ANTHONY. Aux USA ce 15 février, c’est le Susan Anthony Day. Une suffragette défenseure des droits civiques de femmes aux USA.

Suffragette à sa façon, Griselda BLANCO, une colombienne née beaucoup plus tard, un 15 février 1943. Elle avait su s’émanciper toute seule : on la présente comme le mentor de Pablo Escobar, pionnière du trafic de coke aux USA et du crime organisé à Miami. Pas de plafond de verre pour la Ma Dalton de la cocaïne : elle serait à l’origine de deux cents meurtres. La féminité a de ces ruses: ses « mules » étaient équipées de gaine et de soutien-gorge dotés [ici un double dilemme orthographique: 1° le masculin doit-il l'emporter sur le féminin, même s'il désigne des objets réservés aux femmes? 2° chaque mule n'a q'une gaine et qu'un soutien-gorge mais au total, ça représente un fameux catalogue de bonneterie] dotéS de poches à cocaïne, spécialement conçus par une lingerie de Medellin. C’est là, après avoir passé dix ans dans les prisons américaines et échappé de peu à la peine de mort qu’elle est tuée de deux balles dans la tête, à 69 ans.

15 février 2006. Une disparition en Alaska, celle d’Anna MARLY (née Betoulinski à Petrograd le 30 octobre 1917) auteur en 1941 de la musique du chant des partisans et des paroles russes qu’adapteront Kessel et Druon. Elle a également écrit à Londres en 1943 la musique de la Complainte du partisan (paroles mélancoliques de d’Astier de la Vigerie) popularisée en anglais par Léonard Cohen

Il y a 150 ans 15 février 1871. Les chiffres envahissent la presse : ce sont les résultats des élections. Elles ont été voulues par l’occupant : échaudé par le sursaut patriotique après la défaite de Sedan, le Bismarck tient absolument à un engagement ferme du pays pour le traité qu’il va imposer. à la France. Les conditions de la campagne et du vote sont hors normes: la moitié Nord du pays est envahie par les troupes allemandes (sauf le Nord et le Pas-de-Calais), l’autre moitié n’a su que de façon différée et embrouillée ce qui se passait ; la capitale a été isolée du reste du pays pendant cinq mois dont deux sous les bombardements et dans les difficultés de ravitaillement . Paris revit maintenant;

l'abondance règne mais sous la surveillance de l’ennemi qui tient tous les forts. L’État-major du kaiser est à Versailles, le gouvernement provisoire à Bordeaux, où l’on prépare dans le Grand Théâtre une salle pour les nouveaux élus. Ceux-ci ont toutes les peines du monde à rejoindre l’Assemblée, tant le réseau ferré, entièrement aux mains des allemands, est dans un état pitoyable. On ne s’étonnera pas que la plupart des élus soient des personnalités conservatrices déjà bien implantées ou des noms populaires comme Victor Hugo, Garibaldi (d’ailleurs inéligible), ou Faidherbe dans le Nord. Les résultats de Paris tardent à arriver : la capitale, comme on le prévoyait, comme certains le redoutaient, donne sa préférence aux éléments les plus déterminés à résister. Thiers a la faveur du plus grand nombre : le Figaro fait de lui un éloge raisonnable mais sans faille. Pendant ce temps l’Algérie bouge : on veut y voir la main de la Prusse .

Il y a 100 ans 15 février 1921 les femmes d’honneur existent : cinquante ont été décorées, des infirmières qui se

sont dévouées pendant la guerre, mais aussi et d’abord beaucoup de dames

patronnesses dont une brochette orne la Une de l’Excelsior. La dénatalité devient un problème crucial qu’on traite en termes qui nous effaroucheraient aujourd’hui : le professeur Pinard, député par ailleurs, s’exprime en vétérinaire plutôt qu’en médecin : la race française a conservé toutes ses aptitudes à la

reproduction. L’eugénisme est à la mode, - et ses dérives qu’on découvrira beaucoup plus tard.

En 1941, Palace aux femmes annonce un cabaret fréquenté par les notabilités du marché noir et de la collaboration. Dans Paris Soir, champion déclaré du pétainisme, derrière le féminisme à la vichyssoise se profilent ces

pouponnières du IIIe Reich, les Lebensborn : « celles qui modèleront la race française »écrit sans broncher la chroniqueuse. On préférera l’horoscope maréchaliste imaginé par Minerve qui réussit à lire un éloge du retour à la terre dans ses conjonctions de planètes.

15 février 1946 le journal de votre naissance.C’est encore la Saint Faustin. Les séquelles de la guerre : des

surplus américains qui pourrissent à Vincennes alors que le pays en aurait bien besoin. Agitation dans le Constantinois mais il s’agit pour une fois d’un séisme, comme il y en a eu autrefois, comme il y en aura d’autres en Algérie et au Maroc.

En filigrane cependant se discute un nouveau statut pour

l’Algérie car les massacres de Sétif de l'année précédente sont encore dans toutes les têtes. La gauche en tient toujours, comme les autres partis, pour deux collèges distincts lors des élections et finalement on ne fera rien. Dans un coin, le charnier de Katyn, « découvert » en 1941 par les nazis qui en accusent alors les russes mais le tribunal de Nuremberg, sous l’impulsion du procureur soviétique, leur en attribue de nouveau la responsabilité. La vérité, on la subodorait. Mais elle attendra la chute de l’URSS pour être enfin établie : un massacre ordonné par Staline de 20000 officiers et soldats polonais. Vous étouffez d'horreur? Respirez à fond un grand bol d'air des montagnes grâce au Pathé-Journal (ski, course à pied avec Goering en guest-star). Et reprenez votre souffle : la fin du siècle nous en réserve encore de belles.

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- "Actualités françaises" du 15 février 1946 (INA)

https://www.ina.fr/video/AFE86004470

réouverture du marignan