un peintre, un métro B U Z E N V A L 71
19 janvier
Une station de métro à Paris, dans le populaire 20ème, entre les rues d’Avron et de Buzenval, à côté de la station Avron. Originalité : c'est une béance dans un immeuble, dont le rez-de-chaussée est occupé actuellement par un supermarché - aujourd'hui Simply, auparavant Attac (" Vous avez la carte Attac?"scandait une caissière adepte du rap avant l'heure). Avec une entrée monumentale digne d'un ciné de « la dernière séance »: c’était en 1930 le Palais d’Avron. Tout ce qui subsiste dans la mémoire urbaine de la dernière bataille du siège de Paris. Soyons juste : existe au Père Lachaise,
un monument aux gardes nationaux morts pour la défense de Paris. Sur place, je doute qu’on puisse retrouver le monument que représente une vieille carte postale.
Pourtant ce coin accidenté entre Garches, Saint-Cloud et Rueil-Malmaison fut le théâtre de deux engagements en quelques mois. Dès le 21 octobre 1870, le gouverneur militaire de Paris Trochu avait essayé là une sortie pour libérer la route de Versailles. Cette fois, après quatre mois de siège, c’est la tentative de la dernière chance afin de répondre à l’impatience de la garde nationale et d’une partie de l’opinion qui supporte de plus en plus mal le confinement, l’absence de nouvelles extérieures, le rationnement et les bombardements. Au bout de douze heures de combat dont une partie en plein brouillard, Trochu ordonne la retraite qui se déroule dans la pagaille. Ainsi 300 mobiles bretons qu’on a oublié d’avertir résistent avec acharnement à la maison Zimmermann. Dans un communiqué daté de deux heures du matin le général Trochu reconnaît:
« Notre journée, heureusement commencée, n’a pas eu l’issue que nous pouvions espérer. L’ennemi que nous avions surpris le matin par la soudaineté de l’entreprise, a, vers la fin du jour, fait converger vers nous des masses d’artillerie énormes avec ses réserves d’infanterie. Vers trois heures, la gauche, très vivement attaquée, a fléchi. J’ai dû, après avoir donné l’ordre partout de tenir ferme, me porter à cette gauche, et à l’entrée de la nuit, un retour offensif des nôtres a pu se prononcer. Mais la nuit venue et le feu de l’ennemi continuant avec une extrême violence, nos colonnes ont dû se retirer des hauteurs qu’elles avaient gravies le matin. Le meilleur esprit n’a cessé d’animer la garde nationale et la troupe, qui ont fait preuve d’énergie et de courage dans cette lutte longue et acharnée » Dans son "journal d'un lycéen de quatorze ans", Edmond Deschaumes précise les conditions de cette retraite Le général Trochu reconnaît de ses propres yeux la situation de l’armée. Il ordonne la retraite, qui s’opère en pleine nuit lentement et tout d’abord dans le plus grand désordre. L’artillerie n’a qu’une seule route pour se retirer.[...]
Encore cette route est-elle encombrée de voitures d’ambulances, de fourgons chargés de munitions ou de vivres, se touchant, se heurtant, s’enchevêtrant, les roues de l’une engagées dans les roues de l’autre, si serrées, si nombreuses, qu’un cavalier peut à peine s’y frayer un passage pour rétablir l’ordre. Plus tard dans la nuit, la lune s’est enfin levée, la gelée a repris et la retraite se continue avec plus de régularité (Journal du siège par un lycéen de 14 ans, Edmond Deschaumes in Gallica BNF)
Trochu demande à son gouvernement de négocier un arrêt des hostilités de deux jours pour évacuer les blessés. Une grave
scission se produit entre l’état-major de l’armée de métier prêt à négocier et une minorité de la garde nationale qui appelle à la résistance totale. L’opinion hésite entre accablement, colère et résignation. Les prussiens intensifient leurs bombardements sur Paris et Saint-Denis.
C’est pendant la retraite, au détour d’une embuscade tendue par les prussiens que le jeune peintre orientaliste Henri Regnault est tué - à 27 ans.