30 novembre Saint André
à la St André gare aux chemins poudrés
Moyenne d'âge des porteurs me dit-on: 89 ans. Un des prénoms les plus donnés depuis 1900, le meilleur cru étant 1920 -mais la mode en est passée. Néanmoins, Bonne fête aux André, Andrée et Andréa ! Une pensée pour l’oncle André dont c’était aussi l’anniversaire, ses parents ayant pour méthode de donner aux enfants le nom du saint du jour.
En grec, ἀνδρός, andros, génitif de ἀνήρ, anêr c’est l’homme fait par opposition à l’adolescent et à la femme. Un prénom viril donc. Les frères Andréas et Simon (devenu Pierre) sont des pêcheurs du lac de Tibériade, les premiers apôtres, tous deux crucifiés comme le Christ, André sur une croix diagonale à branches égales, qu’on retrouve sur le drapeau de l’Ecosse. Précision en passant: il faut semble-t-il dans ce cas préférer le parler de crucifiement, apprends-je à l’instant, et non de crucifixion, terme réservé au supplice de Jésus. Avant sa vogue au 20ème siècle, André dans ma base d’ancêtres est assez rare, plutôt d’ailleurs en association avec son frère sous le double prénom Pierre
André. Son martyre eut lieu sous Néron à Patras dans le Péloponnèse en 60; auparavant, il s’était consacré à l’évangélisation des peuples autour de la Mer Noire. Aussi est-il considéré comme le patron de l’Église orthodoxe. Il est même le protecteur de la marine russe. Le prince Andrei Nikolaievich Bolkonsky (Андрей Николаевич Болконский) est un des personnages les plus émouvants de Tolstoï. A défaut de lire tout Guerre et Paix, ( trop tard , le confinement tire à sa fin … sans doute) va pour deux morceaux choisis : les deux morts du prince Andreï, sa mort ratée à Austerlitz, sous les yeux de Napoléon, et la vraie après Borodino, lorsqu’il sombre dans des visions et veut empêcher la Mort d’ouvrir la porte. Bondartchouk dans son immense fresque a su être à la hauteur. Voilà pour la fiction.
Pour l’Histoire, voici Andreï Sakharov Андрей Сахаров (1921- 1989) le père de la bombe H soviétique devenu un irréductible combattant pour la paix et la démocratie. Une scène extraordinaire se déroule durant la glasnost au parlement soviétique où il vient d’être élu. Seul devant l’immense assemblée, ce petit homme amaigri tient tête à Gorbatchev qui siège au-dessus de lui à la tribune officielle : il prononce un long discours pour demander l’abrogation du parti unique ; le public se distrait, s’impatiente, rit ; malgré plusieurs rappels à l’ordre du maître du Kremlin pour abréger son intervention, le petit homme refuse d’obtempérer. Gorbatchev lassé fait couper le micro. Lui ne se tient pas pour vaincu et au lieu de rempocher les feuillets restants de son intervention, il les donne à un Gorbatchev assez énervé qui sait la scène vue par le monde entier. Mais l’assistance rit de bon cœur dans une ambiance détendue de grand déballage de la glasnost, où tout est encore possible (le commentaire de la vidéo donne
un tour tragique à la scène, une interprétation bien forcée). On le suit hors du bâtiment, pas abattu ni froissé de l'accueil reçu. C’est sa dernière apparition publique. Il meurt quelques temps après en décembre.
Des André chez nous ? Outre mon oncle André cité plus haut, André N*** de Clamart, quelques Andrée ou Andréa mères d’amis, du côté des personnages publics: deux biterrois bien connus, André DARRIGADE (né à Dax en 1929) et André DASSARY ( Deyhérassary 1912-1987) Je préfère le palmarès long comme le bras de notre sprinter national à la célébrité douteuse de celui qui popularisa l’hymne vichyssois « Maréchal nous voilà » mais reste un honnête chanteur d’opérette.
30 novembre 1870. 73ème jour de siège selon le décompte du Gaulois. Les parisiens commencent à étouffer ; le rationnement est dans l’air. On a déjà sacrifié les pensionnaires du jardin d’acclimatation, dont quelques articles qui se veulent savoureux comparent les mérites gastronomiques. La déclamation des Châtiments à l’Opéra fait
toujours recette et galvanise les
esprits. On a soif de nouvelles de l’extérieur : le récit du départ des ballons tente de donner l’illusion de liens maintenus avec l’extérieur mais la réussite n’est pas toujours au rendez-vous. Les fausses rumeurs vont bon train ; les esprits s’échauffent et la chasse aux sorcières n’est pas loin : Félix POTIN a été la cible d’attaques mensongères alors même que son attitude était irréprochable.
L’heure est au branle-bas de combat après la proclamation du général Ducrot. Les
journaux s’enflamment de l’espoir de voir l’étau se desserrer. Effectivement, au Nord comme du côté de la Loire, on s’active. Ou plutôt on s’est activé - mais en vain et Paris ne le sait pas encore. L’armée du Nord encore en pleine réorganisation a tenté à partir du 27 novembre de couper la route aux prussiens qui se concentraient du côté d’Amiens. Les affrontements principaux ont eu lieu à Villers-Bretonneux – prémices de ceux de la guerre suivante. La citadelle d’Amiens, malgré son courage, doit capituler le 1er décembre. Les Prussiens peuvent pousser jusque Rouen. Les Français lâchent prise et se replient sur Arras. L’armée de la Loire depuis Orléans tente de se synchroniser avec l’opération lancée par Ducrot mais elle se heurte le 28 novembre à la coalition allemande
concentrée à Beaune-la-Rolande.
Au cours de cette bataille, le peintre BAZILLE trouvera la mort : il s’était engagé comme volontaire, sergent-major dans le 3è régiment de zouaves. Il laissait une soixantaine de toiles. Pas une seule ne figura à l’exposition impressionniste de 1874. C’est en 1900 que le critique Roger MARX le découvre. Il faut attendre 1910 pour qu’une rétrospective rende hommage à son talent. On ne peut dire que Monet ou Renoir qui avaient souvent profité de son atelier aient eu à coeur d’honorer sa mémoire. Bien sûr, sa famille était loin, à Montpellier où le père avait fait rapatrier son corps. Comme plusieurs autres peintres, Monet avait trouvé refuge à Londres pendant la guerre de 1870 et n’avait guère envie de revenir sur cette époque trouble, sans compter que lui et ses confrères ne considéraient peut-être en outre Bazille que comme un amateur fortuné.
La grande offensive claironnée dans toute la presse a bien lieu à partir du 30 novembre du côté de Champigny mais pas seulement au milieu des cultures maraîchères, comme l’imagine
Édouard Detaille dans son tableau de 1879: pas un châssis, pas une cloche à melon ne manque, donnant de cette bataille une image insolite, incongrue , de guerilla rurale: chapeau de paille et tablier bleu, le vieux jardinier s’effare de ses carrés de salades envahis par les uniformes colorés, piétinés par les bottes bien cirées des officiers. Mise à sac en règle de la demeure bourgeoise du fond : les soldats -déménageurs emportent au galop des tables et des meubles pour renforcer le mur de la propriété, en faire un rempart contre le Prussien qu’on devine derrière . On fait le coup de feu depuis la terrasse rembourrée de matelas. Violence et viol, la guerre bouleverse les lieux les plus paisibles. Trêve de pittoresque.
Detaille a fabriqué une scène de genre apprêtée dénuée d'émotion ou de tension. La gravure allemande moins flatteuse à l’œil dit le côté erratique de la bataille - et le froid. Froid sibérien (-14°), crue soudaine de la Marne mettent à mal les
plans de Ducrot. L’opération a cependant sérieusement inquiété l’État-major prussien mais Ducrot abandonne l’idée d’une contre-attaque, ses troupes ayant terriblement souffert (9000 morts, 3000 du côté allemand). Le 4 décembre, il se retire dans Paris sans attendre l’armée de la Loire qui va être défaite à la bataille d’Orléans.
Je note une nouveauté : l’omniprésence des ambulances, privées (financées par la presse ou quelque personnalité) mais surtout celles la Croix-Rouge et de ses médecins qui , selon la convention de Genève signée juste avant le conflit par Napoléon III et la Prusse soignent indifféremment les blessés des deux camps : depuis sa fondation après Solferino c’est dans tous les sens son baptême du feu. Une autre préoccupation des journaux et du camp français: les francs-tireurs, ces volontaires qui peu à peu intègrent les armées françaises régulières mais auxquels les Prussiens dénient le statut de combattants pour en faire des criminels, (ce sera toujours le cas en 1914) et la presse se fait l’écho des représailles dont leur action est l’objet.
30 novembre 1920 Temps de saison selon le Matin. « Une période tempétueuse commence vent S.-S.-O. doux et pluvieux 6°/12°». La Compagnie Paris-Orléans programme de nouveaux trains de nuit mais Bourges reste encore
à 4H30 de Paris. À lire les réclames de l’Écho d’Alger, la maîtresse de maison peut s’offrir un aspirateur en « leasing » et des camions puissants se lancent sur les pistes du Sahara. Mais pas un mot sur la disette qui menace la colonie selon le Temps, suite à deux années de récolte insuffisante due à une sécheresse rarement atteinte. Le Figaro prend la défense de l’enseignement du grec, un problème enfin résolu aujourd’hui …par sa disparition quasi générale. Le Matin consacre sa mini-revue de presse à la scission programmée de la SFIO. Sur ce tsunami dans la vie politique française, les journaux restent peu bavards mais cela fait des semaines qu’on en parle. Le petit Journal, qui sait flairer l’air du temps, accorde une place en première page à l’aviatrice Adrienne Bolland. Hommage unanime et détaillé de toute la presse au Dr Infroit, « martyr de la science » qui paie de sa vie sa carrière de radiologue après avoir subi de cruelles amputations au fur et à mesure de l’avancée du mal.
30 novembre 1940. Edith Piaf se produit près de chez moi aux Folies-Belleville avec Paul Meurisse l’élu du moment: le café est toujours là très sixties avec ses néons et ses mosaïques ; quand je séjourne à Paris, c’est là que je vais lire Le Monde en buvant un express ( image d’un monde disparu ?). La salle de spectacle est devenue un petit supermarché, un « Carrefour market » en ce moment. La saison de sports d’hiver peut commencer : nous y invitent en Une du Petit Journal ces vaillants skieurs qui remontent les pentes de l’Alpe d’Huez. Tout le monde semble pouvoir en profiter. Jean-Paul (Sartre)
et son Castor fréquenteront eux aussi ces pistes enneigées ( une photo en atteste, dont j’ai perdu la trace) avant de prôner en séance de rattrapage post-Libération un engagement tous azimuts. Tout n’est pas
rose de par l’Europe cependant : juste à côté de cette évocation de la pureté des sommets et des joies saines, en contre-point intentionnel peut-être, le sort des enfants britanniques. Mention discrète. Sans retenue, Le Matin et Paris-Soir à coup de gros titres et de photos soulignent les dégâts
subis par les Londoniens, moins pour s’en apitoyer ( voir les petits inserts virulents sur les juifs et les anglais) que comme repoussoir et comme justification de la politique du vénérable soldat , protecteur de la nation, dont il faut désormais afficher la photo ( passablement retouchée) dans chaque foyer, cependant que les enfants des écoles apprennent « Maréchal nous voilà » popularisé par André DASSARY. De même que le maréchal a fait don de sa personne à la France, « Marseille se donnera à PÉTAIN mardi prochain » clame le Petit Marseillais. Bonne mèère! Et comme Paris sera toujours Paris, la haute couture ne perd pas ses droits dans une rubrique « Votre page, Madame » savoureuse ou odieuse comme on voudra. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes vichyssois. DÉTENTE, on vous dit. "Luxe et travail" comme le recommande une rubrique de Lucie Hirigoyen
Et BONNE FÊtE encore aux ANDRÉ, ANDRÉE, ANDRÉA
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- Gorbatchev-Sakharov :
https://www.dailymotion.com/video/xfebio
http://www.slate.fr/story/74521/mandela-de-klerk-jaruzelski-walesa-gorbatchev-sakharov
- La Croix-Rouge pendant la guerre franco-prussienne
https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/39649/
- André Dassary
https://lhistgeobox.blogspot.com/2011/06/239-andre-dassary-marechal-nous-voila.html?m=0