Le quatorze juillet
14 juillet : FET NAT mais le général Faidherbe dans tout ça?
Vous n’y échapperez pas. C’est la Fête Nationale. Le saint du jour ? Il en faut un mais il est bien caché: Camille, en l’honneur de Camille de Lellis, décédé le 14 juillet 1614. Il consacra sa vie à soigner les malades et fonda l’ordre des Camilliens. Avec Jean de Dieu, il est pour les catholiques – et les autres s’ils le souhaitent- le patron des infirmièr.e.s, des malades et des hôpitaux et des cliniques. Néanmoins, comme la coutume était dans certaines contrées de s’appuyer sur le calendrier pour trouver un prénom au nouveau-né (chez mes grands-parents paternels par exemple), il y a eu des substituts habiles : Marianne, Marie-France, François, Marion, et même carrément, en suivant scrupuleusement l’indication du sacro-saint carton des PTT, des Fetnat, en particulier en Afrique, même après la décolonisation. Ah les bonheurs de la francophonie ! Plusieurs intervenants d’un blog s’indignent de ce post-colonialisme et pensent même qu’il s’agit d’une mauvaise blague. Que nenni ! Tapez « FETNAT prénom » et consultez le site de France Football. Vous apprendrez comment Franck Ribéry a résolu en 2015 ses problèmes de paternités simultanées «à son insu de son plein gré ».
Jour de fête pour Franck Ribéry : il est depuis ce mardi 14 juillet le papa d’un petit garçon qu’il a appelé FetNat, « comme sur le calendrier ».Franck Ribéry est encore une fois papa ! Exactement deux mois après la naissance de Mohammed, son quatrième enfant, le joueur français du Bayern Munich a eu l’heureuse surprise de devenir le papa d’un cinquième bout de chou ce mardi 14 juillet 2015. Pris de cours, il a choisi la facilité pour le prénom de son troisième fils. « Wahiba ne m’a rien dit pour ce nouvel enfant. Moins de deux mois après la naissance d’un petit bébé, c’est rare d’en avoir un autre [sacré Franck !]. Je n’avais rien préparé, alors j’ai fait comme beaucoup de gens, j’ai pris le calendrier, j’ai repéré la date, j’ai pris mon doigt pour suivre la ligne, et j’ai trouvé le prénom de mon nouveau fils : Fetnat. »
Parents belges en mal d’inspiration pour votre fillette du 14 juillet, osez Ragenufle si vous ne craignez pas d’attacher pareil boulet à votre malheureuse gamine, surtout sachant que la sainte en question est morte à 15 ans, en 650.
Pour les bretons, ce 14 juillet, on fêtera Sant’ trifin’, Sainte Tréfine. Encore une malheureuse sauvée par Dieu. Fille du comte de Vannes, Waroc, elle aurait été décapitée par son mari Conomor, comte de Poher ; ressuscitée par St Gildas elle aurait donné naissance à un fils nommé Trémeur (Trechmor). Elle n’a probablement jamais existé mais on la vénère comme protectrice des enfants malades, qui tardent à marcher ou qui naissent après terme (notion fort pratique pour la paix des ménages et l'honneur des époux tout comme la légende des bébés dormeurs dans certaines contrées de forte émigration saisonnière) . Le bourg du même nom existe bien lui, dans les Côtes d'Armor, près de Gouarec et Mûr de Bretagne. Dans la sacristie de l’église reposent les sarcophages de la sainte et de son fils m’affirme-t-on. La même notice précise qu’une plaque scellée lors de la réfection du chœur en 1851 mentionne comme trésorier de la fabrique un Jégouic – c’est le nom du grand-père breton, un Jégouic-Jégouic Je suis en pays de connaissance et je l’apprends à l’instant !
Un peu d’Histoire
14 juillet 1953 : naissance de Frédérique HOSCHEDÉ. Dans les villages de l’Artois, c’est un nom répandu. La Frédérique, elle, a fait son chemin à Paris ; elle a longuement occupé le petit écran ; certains grands adolescents attardés d’aujourd’hui ne juraient que par son club. Oui, c’est Dorothée. Qu’attend-elle pour animer quelques maisons de retraite avec les chevaux de retour de son Club?
1934 : naissance de Marcel Gottlieb dit Gotlib. Il fallait le faire, un 14 juillet, pour le fils d’émigré juif, corrosif auteur de l'impayable Rubrique à brac, un vrai poulbot déluré/ délirant qui inventa son premier héros pour Pif gadget : Gai Luron,un chien démarqué de l'américain Droopy à la tristesse désopilante. Déjà le petit Marcel savait s’affranchir avec désinvolture des règles de la BD et du bon goût.
Fini de rigoler. La Grande Histoire nous rattrape. Car, quand même, il va falloir les commémorer les 150 ans d’une guerre qu’on passe sous silence, les deux suivantes ayant trop marqué les esprits. Elles furent mondiales et se soldèrent par la victoire de notre camp, celle de 70 fut seulement franco-prussienne, ne dura que cinq mois, fut perdue et se termina en guerre civile avec la Commune et sa répression féroce. Que des mauvais souvenirs pour la IIIème République naissante. Et pourtant, c’est elle qui a décidé des deux autres. Déjà, à lire le récit de la défaite de Sedan, des combats désespérés que racontent la Débâcle de Zola, on a l’impression d’une répétition générale de ce qui se passera 70 ans plus tard, il y a 80 ans, en 1940. Totale impréparation des armées; des militaires incapables et sûrs d’eux installés aux poste-clés; des seconds rôles qui s’emparent du pouvoir, la régente en 70, Pétain en 40 ; un adversaire manipulateur qui roule le gouvernement français dans la farine: Bismarck pousse la France à la faute, Hitler attaque là où on ne l’attend pas. Et dans les deux cas, une population sidérée lorsque l’ennemi est là et que les élites au pouvoir se dérobent : un Pétain de quatre vingt ans va faire "don de sa personne" cacochyme à la France, refusera de résister et apposera sa signature à
l’occupation des trois quarts du territoire métropolitain. En 1870, une épave d'Empereur malade et assiégé décide de se rendre avec des milliers de soldats pour épargner leur vie. Les Prussiens encerclent Paris alors qu’on avait multiplié les proclamations de victoire. Les batailles dans le Nord et l’Est se déroulent en des lieux qui verront les mêmes combats, les mêmes ruines deux fois encore en soixante –dix ans, avec une armée d’occupation qui pressure et terrorise les populations jusqu’en Normandie. Des U h l a n s impressionnants! Des Prussiens cantonnés jusque dans le bocage normand! Guerre au fond incompréhensible du point de vue d’un français : elle n’avait d’autre raison que d’être voulue par Bismarck pour obliger tous les États allemands à s’unir autour et sous la férule du roi de Prusse et du
Comte Von Bismarck contre le prétendu agresseur.
Effondrement, certes, mais pas celui de la France. Sedan pour le parti de la résistance c’est la faillite d’un régime et non celle d’une nation : autour de Gambetta on renoue avec l’esprit de l’an II, de la patrie en danger. Les volontaires affluent, les débris des armées sont réorganisés, les francs-tireurs entrent en action, terreur des prussiens qui n’imaginent pas d’autres adversaires que des soldats en uniforme, et non des citoyens qui ont pris leur fusil pour défendre leur pays. Ils refusent de les considérer comme des combattants. Ils les traitent comme des criminels : ainsi feront-ils encore en 14-18, dans le Nord de la France et la Belgique, puis pendant la seconde guerre, sur tout le territoire.
Revanchard le blogueur? il va encore parler des "Boches"? Pas du tout. Oublier? Pardonner? Non. Seulement savoir et connaître, ne serait-ce que pour comprendre un paysage mental et géographique (re)modelé par trois conflits successifs entre les mêmes protagonistes. L'Histoire ne repasse pas les plats dit-on. Chez nous, din ch' Nord, elle a en tout cas radoté. La guerre oubliée, lit-on actuellement un peu partout. Pire, dirai-je: inconnue. Ce serait le moment ou jamais d'en susciter le souvenir !
En ce 14 juillet 1870 – qui n’est pas alors fête nationale, faut-il le rappeler, on s’agite, on manifeste violemment à Berlin et à Paris sur un malentendu habilement exploité par Bismarck. C’est la fameuse dépêche d’Ems, pour le coup une souris qui accouche d’une montagne car ç’aurait dû être un véritable non-événement.
Le 19 juillet, la France déclare officiellement la guerre à la Prusse. Et c’est parti. Pour trois conflits de plus en plus destructeurs
Ici se dresse, inévitable,
la figure, la statue veux-je dire, de Faidherbe, celui que Gambetta charge de réorganiser l’armée du Nord pour retarder les Prussiens et les détourner de Paris. En vain. Malgré les batailles d’Amiens, de Bapaume et de Saint-Quentin. Du moins épargne-t-il l’occupation au Nord et au Pas-de-Calais. L’actualité a gravement écorché son image : à la trappe le général républicain, le résistant courageux devant les prussiens, le nom dont mainte ville du Nord et du Pas-de-Calais baptise son artère principale, fierté régionale, honoré comme un héros national lors de son enterrement en 1889 .
C’est vrai, on avait tort, on ne savait pas: les fabricants du récit national avaient "oublié", caché d’un voile pudique tout un pan de sa carrière antérieure faite d’ailleurs presque exclusivement sous le Second Empire : il avait été gouverneur du Sénégal
pendant des années, bâtisseur certes mais aussi « pacificateur » en Afrique occidentale, en Algérie et avec des méthodes aussi brutales que celles plus connues de Bugeaud. Pas d’anachronisme. Personne alors de ceux qui savaient n’y trouvait à redire; peu d'ailleurs savaient et s’indignaient. L’heure était aux couplets sur la mission civilisatrice de la France, à la construction d’un Empire, et en même temps ON (Faidherbe himself) organisait à coups de recrutements contraints « la force noire », ces tirailleurs sénégalais (venus de toute l’Afrique de l’Ouest en fait) dont on mettait si peu en doute la loyauté (ou l’absence de conscience de colonisé) qu’on les employait au maintien de l’ordre et à la « pacification » du Maghreb ou de Madagascar… Les contradictions alors étaient... légions. Quant aux
opposants à la colonisation, ils n’étaient pas forcément mus par des sentiments humanistes, mettant surtout en doute la rentabilité de pareilles entreprises. Faidherbe, comme quantité d’autres militaires en poste dans nos colonies se muait à l’occasion en ethnologue. - Afin de mieux connaître, contrôler, utiliser, manipuler les populations. - Oui, bien sûr, mais pas seulement. Malgré le péché originel d'une motivation probablement impure, le résultat est là : un passé étudié, recensé et conservé. Nos meilleurs arabisants étaient des militaires ou un administrateur civil comme Jacques Berque. On attend la relève. Viendra-t-elle des mosquées ? Bref, il faut faire avec Faidherbe. Comme avec tous nos « grands hommes » du XIXème siècle : ils ont participé à la construction et à la valorisation de « l’Empire Français » … et ont modelé l’histoire de bien des familles françaises.
Nous sommes tous « mouillés » peu ou prou, les amis!
Sous peine de révisionnisme ou de négationnisme, le récit national ne peut être que celui d’une
puissance coloniale. Alors, yallah ! Taguez, essayez de déboulonner, de cacher dans un cimetière des mal-aimés de l’Histoire cette statue de la place Richebé à Lille, effacez des photos l’indésirable, déchirez les timbres, débaptisez boulevards et lycées. Ne vaudrait-il pas mieux continuer à le montrer, à faire connaître ce passé de colonisateur, à exhiber le personnage dans sa complexité au lieu de le jeter aux oubliettes ? Je suis d’accord avec Martine Aubry: c o n t e x t u a l i s o n s ! De toute façon, personnellement, à la statue lilloise d’un général fier à bras juché sur son cheval, haut perché sur un piédestal gigantesque je préfère le monument plus modeste d’un général en pied, bras croisés, attendant l’ennemi avec
détermination. Apparemment on l’a laissée en paix, la statue de Bapaume. Pour combien de temps ? Nos activistes en ignorent peut-être (pour l’instant) l’existence ? Aux dernières nouvelles, le Sénégal quant à lui, n’a pas encore débaptisé le pont Faidherbe qui relie Saint-Louis au continent, et Saint-Louis du Sénégal s’appelle toujours Saint-Louis ( pas en l'honneur de Louis Faidherbe, encore que ça "tombait" bien, mais de Louis XIV, rappelons-le).
Et vous savé qwo , comme on dit en picard ? La boucle de ce billet est bouclée par le plus grand des hasards. Je viens de découvrir un point commun entre Camille le saint hospitalier du début de mon propos et Faidherbe. L‘homme de Dieu dans une première vie était un militaire incontrôlable, perclus de dettes de jeux ; de son côté, le militaire Faidherbe s’ennuyait tellement à Metz la garnison de ses débuts qu’il se mit à jouer comme un perdu et contracta des dettes dont le remboursement pesa longtemps sur ses moyens d’existence. Curieux, non ? Pas de quoi néanmoins faire de lui un saint.
Vive la République, vive la France et à vos masques pour les bals populaires !
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https://www.lalibre.be/regions/brabant/une-source-aux-vertus-miraculeuses-51b8d86ce4b0de6db9c2b11f
http://www.lavieb-aile.com/article-chapelle-sainte-trephine-a-pontivy-110364692.html
https://www.herodote.net/13_juillet_1870-evenement-18700713.php
https://www.saintlouisdusenegal.com/histoire-pont-faidherbe/