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terresdartois
1 mai 2020

Duettistes du 2 mai

 

  Des vies parallèles 

 

_Athanasius_von_Alexandria

boris1erdebulgarie

Athanase & Boris. Deux belles icônes et une rareté : deux saints orientaux  fêtés ce  2 mai par l’Église catholique. ATHANASE(296- 2 mai  373) est un père de l’Église, patriarche d’Alexandrie. « Colonne de la Foi », « Phare de l’Orient ».  J'ai connu en son temps un « Rossignol de l’Orient » -Oum Kaltoum 

BORIS,  (827-907) khan  païen (tendance tengrisme) de  la Grande Bulgarie. Après hésitation il se tourne vers Byzance (l’ancien ennemi) plutôt que vers Rome: avec lui  toute l’aristocratie  se convertit au christianisme de rite oriental.   Il abdique au profit de ses fils mais doit s’extraire à plusieurs reprises de son monastère  et reprendre les commandes pour éviter une restauration du paganisme,  n’hésitant pas à aveugler son fils aîné Vladimir, et menaçant du même sort son 3ème fils Siméon. Une poigne de fer ce saint !

          J’ai dans mes ancêtres  des Athanase, mais de  Boris, point.  Malgré sa      présence ancienne dans certains calendriers, il ne rencontra de véritable succès  en France qu’avec l’arrivée des émigrés russes fuyant la révolution bolchevique. C’est lui qui figure désormais seul au calendrier catholique officiel.  

       On fêtera également les Amateur, s’il en existe.  Il s’agit d’AMATEUR d’Auxerre, ou St Amâtre,  (Amator en latin, celui qui aime, Amadour en occitan) un gallo-romain né au IVe à Auxerre où il est mort le 1er mai 418.  Un saint peut en cacher un autre.  Cinquième évêque d’Auxerre, il prépare le terrain  (à son insu de son plein gré) à un saint plus illustre qu’il a véritablement accouché aux forceps : une vision l’aurait incité à choisir comme successeur un affreux  païen, Germain, l'arrogant  gouverneur romain  de la ville,  qu’il convertit par la ruse (il le fait enlever !) et qui va être  le sixième évêque… pendant 30 ans.

         On voudrait pouvoir se raccrocher à quelques dictons d’avant confinement, rescapés d’un paradis perdu de la  ruralité. Hélas, la sagesse paysanne  n’est guère rassurante, et la météo encore moins :

   Au jour de Saint-Boris, par malheur, c’est un mauvais vendangeur.

    S’il pleut le premier mai, peu de coings, s’il pleut le deux, ils sont véreux, s’il pleut le trois, il n’y en a pas.

 Ma foi, tout le monde n’est pas vigneron  et l’homme ne se nourrit pas que de coings, la femme non plus d’ailleurs.

                  

torquemada

Petite énigme : quel peut bien être ce « juriste américain »  mort un 2 mai  1972  dont me parle ma source internet ?  Vous donnez votre langue au chat ? Vous avez raison. Difficile d’imaginer aussi  benoîte qualification pour le sulfureux Edgar HOOVER.  Inamovible et redoutable, limite psychopathe,  chef du FBI de 1924 à 1972, très  enclin à s’affranchir des règles de la légalité, - au prétexte de faire respecter le Droit et d’écraser les déviances de toute sorte! En presque un demi-siècle, il avait eu le temps d’accumuler des dossiers sur tous les puissants du pays, du reste du monde et  … sur lui-même. En effet selon une rumeur insistante  son bras droit durant toutes ces années était l’homme de sa vie (et vice et versa, ad libitum). L’âme humaine est retorse, n'est-ce pas Docteur FREUD? Son grand prédécesseur  et possible inspirateur, Torquemada, obsédé, lui, par la chasse aux juifs cachés, n’était-il pas un  descendant de juif converti ?

           

dos de mayo détail

tres_de_mayo_de_1808

Deux mai, Dos de Mayo. Tous les espagnols savent de quoi il s’agit. Notre mémoire nationale a toujours préféré  cacher cette tache dans les vastes replis  du manteau impérial: l’insurrection populaire  madrilène en 1808  contre l’occupation française,   suivie le lendemain, le Tres de Mayo,  de sa répression féroce par Murat. S’inaugurent quatre ans de guerre incessante à travers toute l’Espagne, d’une tactique de  guerilla  (le mot tire de là son origine) que les résistants imposent à l’occupant français.   Les fusillés du 3 mai donnent  à Goya l’occasion d’un tableau beaucoup plus connu, plus sobre et sensible que la brillante peinture d’histoire qu’il consacre au 2 mai. À y regarder de près pourtant, le Dos de Mayo  montre en détail la  technique de harcèlement qui à la longue permettra au faible  de l’emporter sur le fort. Un simple poignard, va venir à bout de l’immense cheval blanc ; tel un pantin,  le mameluck bascule à la renverse dans son somptueux uniforme.

         Deux mai. Deux noces, trouvées dans mes bases, ancêtres proprement dits et alliés très lointains,

de lahaye sign

 

 

delahaye arbre

deux  destins familiaux que  tout oppose, pas seulement la géographie.   Et pourtant  ils ont  convolé, sans le savoir, le même jour, le 2 mai 1864 (je ne l’ai pas fait exprès, je le jure). À Gommecourt  Pas-de-Calais : il est 9 heures du matin. Dans la petite mairie  Zélie DRUGY et Alcide Parfait DELAHAYE  se prêtent serment  de fidélité devant monsieur le maire.  L’un et l’autre sont de Gommecourt, ouvriers agricoles (désignés selon les actes comme journaliers,  manouvriers, domestiques même, ménagers  au mieux) enfants, petits enfants d’ouvriers agricoles du pays. Un oncle  a fait bande à part : il est parti à Amiens, garçon de magasin puis cabaretier; une de ses filles  épousera un artisan plombier zingueur, Alfred BELVAUDE un futur notable local : conseiller municipal d’Amiens et président de l’Union des plombiers et ferblantiers zingueurs de France. La sœur, Hermande,  couturière,   se marie à un menuisier  qui part à Amiens rejoindre l’oncle. Il s’y  spécialise dans la fabrication d’escaliers. Le frère aîné  d’Alcide, Florentin Désiré rentre aux chemins de fer de Normandie mais pour convoler, c’est au village natal, … et entre  Delahaye. Timidement, on aborde  la modernité, on s’évade prudemment de Gommecourt.

                Ces noces du deux mai portent leurs fruits : presque tous les deux ans, une naissance. Sept enfants bien vivants au total. Des familles plus riches, mieux éduquées,  ne peuvent en dire autant. Seule ombre au tableau, du moins selon la sensibilité  du temps : six filles, un seul garçon, le cadet paré des prénoms de son oncle et de son grand-père, et d’une variante d’Alcide, Albéric, comme pour éviter un trop commun Albert. Impossible de mieux connaître Albéric et sa trajectoire: pas de dossier militaire à son nom. Sans doute a-t-il été exempté, comme soutien de famille. Il attend 42 ans pour fonder un foyer.  On en sait davantage sur ses beaux-frères : originaires des alentours, ils ne sortent guère de leur sphère sociale : le mari de l’aînée se découvre au service  une vocation de gendarme: il finit maréchal des logis à pied avec une citation pour «  son sang-froid lors des grèves de mineurs de 1902 » : une arrestation qui se passe mal se solde pour lui par une fracture de la jambe droite. La guerre 14  les touche les uns après les autres. Plusieurs sont dans l’artillerie: l’un, « conducteur d’animaux », un autre accède au rang de pointeur. Le plus spécialisé, un cordonnier, est fauché dès le début de la guerre : fait prisonnier à Maubeuge, il meurt  en décembre 1914 à l’hôpital de Münster. Les survivants reviennent aux champs, mis à part  un cabaretier de village, et un charretier installé à Paris.

          

roussin lith cath-001

cazam arbre

A 9500 kilomètres de là, Saint Denis de la Réunion même jour.  Hôtel de la mairie, trois heures de l’après-midi. Firmin Jean Pierre Désiré CAZAMIAN 25 ans professeur   au lycée de la ville épouse   Marie Elizabeth ROUSSIN 16 ans. Chez les CAZAMIAN,  on épouse des jeunesses : son père Louis avait 24 ans quand il s’est marié avec sa mère Étiennette CALAS,  16 ans morte à 18 ans  un mois après la naissance de Firmin Désiré  À 25 ans, celui-ci a déjà beaucoup bourlingué,  au figuré et au propre entre Villeneuve-les-Béziers dont il est originaire,  Avignon, Grenoble, Saint-Denis (déjà), Bergerac et Béziers.  Instable ? Non,  ambitieux : si l’on veut grimper les échelons, il faut à l’époque accepter les nominations qui se présentent, même pour quelques mois. Le CV  qu’il rédige en 1898 pour l’obtention de la Légion d’Honneur donne le tournis :

      au 27 juill. 1898 résumé des services: - Entré dans  l'Université le 18-10-1856 comme aspirant répétiteur au lycée d'Avignon. -successivement Me répétiteur avec nominations trimestrielles aux lycées d'Avignon, Grenoble, St Denis (Réunion). - Oct. 1866-févr 1870: Professeur de rhétorique collèges de Bergerac, et de Béziers. - professeur de seconde et de philosophie au lycée de La Réunion, Censeur des Études au lycée de La Réunion  - 17 sept 1880. Successivement censeur aux lycées d'Avignon, de Tours??, d'Alger (du 2sept 1883 au 6 mai 1887). Proviseur des lycées de Bastia, Pau, Sens du 6 mai 1887 à ce jour. Total 42 ans de service au 18 octobre 1898.

     Saint-Denis, dans la trajectoire de  l’enseignant  ou du  proviseur,  n’aura été qu’une étape mais  capitale puisqu’il y aura connu les feux de l’Amour. L’élue est la fille d’une personnalité de l’île « peintre, professeur de dessin » mais surtout célèbre auteur d’un recueil de lithographies qui a beaucoup fait pour la réputation de l’ancienne île Bourbon.  Le passage  à la mairie, avant la grand -messe, dans la cathédrale peut-être,   est  la première étape d’une manifestation officielle  qui réunit toute la bonne société créole.   Dans le minuscule  et lointain Gommecourt  les témoins du mariage dessinent la sphère familiale, oncles, parrain, frère. Ici, les témoins sont choisis pour leur rang et intronisent les nouveaux époux dans le jeu social : un collègue du lycée,  l’inspecteur de l’Instruction publique, le banquier, le juge de paix. Un militaire manque à l’appel mais la famille en fournira un beau contingent.

      Le professeur ROUSSIN est une personnalité singulière et intéressante : arrivé à la Réunion pour son service militaire dans l’infanterie de marine,  il ne l’a plus quittée. C’est un natif d’Avignon, circonstance qui n’a pu qu’attirer le jeune biterrois.

  

cazamian fils-1839

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Car les CAZAMIAN  sont implantés depuis belle lurette à Villeneuve-lès-Béziers et dans ses environs. Les origines paysannes du marié, il faut les chercher  au niveau du grand-père. Le père,   Louis, contrairement à l’oncle Pierre resté paysan, avait voulu échapper à sa condition : lors de son mariage en 1838,  il est  « instituteur communal » dans son village. Il a saisi la chance que lui offraient les autorités locales dans le cadre d’une politique mise en place  dès  la fin de la Restauration :   une école dans chaque village et une formation encadrée des instituteurs.  Firmin- Désiré, notre marié du deux Mai, a un  demi-frère cadet  décoré lui aussi en 1892 après avoir  gravi un à un tous les échelons de simple sapeur du génie à capitaine dans l’artillerie. Il n’aura fallu que deux générations pour passer d’un paysan illettré du Roussillon à  des cadres de l’armée et de l’instruction publique. La République troisième du nom  aura su reconnaître leurs mérites.  Pourquoi s’arrêter en si bon chemin? Les héritiers sont à la manœuvre : Firmin  et Marie auront une descendance décorée: André poète attaché à son île  et professeur de sciences naturelles, un angliciste auteur d’une fameuse littérature anglaise, Louis CAZAMIAN, et le militaire de service, un médecin général dans la marine, sans compter un chef d’escadron…

            

artois

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L’arbre ne doit pas cacher la forêt. Pour Louis CAZAMIAN et ses trois fils, l’ascenseur social ressemble plutôt à la rampe de lancement  d’une fusée   Ariane mais le reste  de la tribu ne paraît pas avoir été touché par le virus de l’ambition et du savoir. Ces natifs du Roussillon ont fait du surplace de la même façon que leurs lointains  compatriotes de  l’Artois avec qui ils ont en partage la vigueur d’un accent et un rattachement récent à la France grâce au traité des Pyrénées de 1660. Bref comme en bonne vieille géométrie euclidienne, les parallèles ne se rencontrent pas, sauf illusion d’optique.

         Post Scriptum  un peu piteux : évidemment, en mettant le point final, je m’aperçois que ce bel

réunion timbre france libre

réunion blason timbre

exercice rhétorique repose sur une grossière erreur   de transcription initiale de ma part: le mariage de Gommecourt n’a pas eu lieu le deux de mai mais le dixième de mai ! Dommage : c’était beau, ces noces des antipodes …

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