Épiphanie
Le jour des ROIS
JANVIER mois transitoire malgré le calendrier: Janus jette un dernier coup d’œil à l’année écoulée et se tourne déjà vers celle qui commence : on fait l’inventaire des stocks, on prend de bonnes résolutions. J’ai eu la curiosité – un peu vaine- de voir comment ce premier mois de l’année avait marqué mon troupeau d’ancêtres. Le clan maternel (228 personnes) LECLERCQ –LEBAS est en hibernation quasi-totale : seule une Marie-Guislaine DESAILLY y a eu l’idée de trépasser- le 9 janvier 1738. Du côté paternel, parmi les 320 membres de DAUCOURT & Cie toutes branches confondues, on a bougé modestement : 11 mariages et 7 enterrements étalés sur les XVIII et XIXe siècles et 4 naissances. C’est le bataillon breton (du côté du grand-père maternel) qui s’agite le plus malgré sa modeste taille de 88 engagés. Cinq mariages (surtout dans la dernière semaine de janvier), onze naissances d’enfants conçus dans l’euphorie printanière mais pas un seul mort. Je ne vais pas épiloguer sur les bizarreries relevées. Hasards du calendrier? L’expression sonne comme un aveu d’ignorance. Qu’importe. Puisqu’on vient de « tirer les rois » comme on disait autrefois, et que l’Épiphanie tombait pour une fois un dimanche, j’ai eu envie de braquer un instant mon projecteur – en fait plutôt le superbe stylo- led offert comme étrennes par mon coiffeur- sur les naissances bretonnes, même si, à la réflexion, je ne suis pas très sûr que la Bretagne d’autrefois ait fait un sort autre que religieux au 6 janvier .
Dans la famille JÉGOUIC j’appelle par ordre chronologique, Marie SILSIGUEN, Etienne-Marie JÉGOUIC, du 6 janvier 1824 et Françoise LHERMITE née le 7 en 1829.
Quant à notre petite née le lendemain de l’Épiphanie, a-t-elle voulu fuir le rôle ingrat de l’aînée occupée à torcher ses sœurs ? Elle s’empresse de convoler à quinze ans avec mon ancêtre Jégouic premier prénommé François, un « vieux » de 31 ans. Notre curé amateur de calligraphie a regroupé deux actes de mariages, se contentant de noter qu’il n’y a pas eu d’opposition et qu’il a accordé sa bénédiction nuptiale à « François Jégouic de la paroisse de Bothoa et Marie Silsiguen de cette paroisse en présence de Claude Jégouic François Silsiguen pères des mariants et plusieurs autres ». Le ménage s’installe un temps à ker lenévez, dans la « banlieue » de
Plounévez-Quintin mais changera plusieurs fois de lieu, toujours aux alentours de Plounévez. Curieusement, la première naissance repérée n’intervient qu’en 1733, 5 ans après le mariage de 1728. Serait-ce que l’union n’aurait pas été immédiatement consommée vu l’âge de la mariée ? Durant plusieurs années Marie s’est-elle contentée de tenir le ménage de son mari ? Les naissances ensuite se suivent à un rythme raisonnable. Dix enfants, étalés sur vingt ans, également répartis entre filles et garçons. À 40 ans Marie a un dernier enfant, qui meurt célibataire à 26 ans. Les autres illustrent parfaitement la tradition bretonne de la famille nombreuse : Alain marié à Marie Calvé aura 9 enfants. L’ancêtre direct Sébastien et sa femme Louise Le Louët auront 12 enfants mais, autre phénomène récurrent de l’ancienne France, la moitié meurt à moins d’un an. En tout cas. Vive la petite reine Marie et sa nombreuse descendance !
Un petit roi, un vrai, daté du 6 janvier, en 1824, sous la Restauration: Etienne Marie JÉGOUIC. Ce Jégouic-là appartient à une autre branche, sans rapport avec l’autre : ils sont tous de Laniscat et non de Plounévez-Quintin. Mais après consultation d’un autre arbre de Généanet (chantalguyjeg1) je m’aperçois que le plus ancien connu de ces Jégouic est aussi de Plounévez…Tous ont donc quelque chance d’être cousins … au moins à la mode de Bretagne. L’aînée des huit enfants d’Étienne-Marie, Marie-Anne Jégouic épouse Yves Jégouic : je tiens là les parents de grand-père.
Un mot sur Laniscat - théoriquement la ville n’existe plus. Un peu comme Bothoa devenu un simple quartier de Saint-Nicolas du Pelem, Laniscat a perdu son autonomie : elle s’est fondue dans une « agglomération » dont le nom ressemble à une blague administrative Bon-Repos-sur-Blavet. Un nom d’EHPAD, de camping, d’hôtel ou de villa à l’ancienne ou encore appellation technocratique d’une ville nouvelle quand il importe de ne fâcher aucune commune du regroupement, Laniscat, Saint-Gelven ou Perret. Le Blavet coule bien toujours là et le Daoulas dans ses gorges mais Bon Repos fait référence… à des ruines : celles de l’Abbaye cistercienne du Bon Repos qui n’a ni
porte ni fenêtre.
Et pour finir j’appelle maintenant Françoise Louise « Mathurine » L’HERMITE née le 7 janvier 1829 à Ker Yvalan, hameau de Laniscat. Je connais mal mes troupes bretonnes : la nominée est la femme du précédent, née à un jour près quatre ans après son mari Étienne Marie Jégouic ! Mère de huit enfants, elle est elle-même troisième d’une nichée de sept (plus un mort-né). Jégouic ne sait pas signer mais chose assez rare elle signe à son mariage. Son père le fait aussi, tant bien que mal : des bâtons tremblotants en faisant un gros pâté effacé, étalé -d’un revers de manche malencontreux peut-être ?
Voilà mes enfants-rois de Bretagne. On doute qu’ils en aient été plus heureux !