Noël ou presque
NOËL ou presque
Comment résister à un p’tit dernier (billet) pour la route vers 2019 quand on naquit un 24 décembre, en pleine guerre, à 18 heures heure allemande et donc selon le méridien de Berlin ! Un 24-12. Et mon numéro de CCP où étaient virés mes premiers salaires était 22-44-22, une variation commode à retenir autour de mon année de naissance. La numérologie aurait-elle quelque fondement ?
Personnellement pour ma part je suis donc un Noël raté en somme, né trop tôt, en avance sur le petit Jésus ! Coïncidence malencontreuse que cette confusion entre deux occasions festives de cadeaux ? Ou au contraire, regain d’attentions et double cadeau ?
Parlons peu, parlons chiffres. Dans mes collections centrées sur le Sud de l’Artois les Noël/ Noëlle représentent 0,8% des individus côté maternel, 0,74% côté paternel, (soit 123 sur 16000) et seulement 0,6% du côté de la Bretagne (8 sur 1300). On pourrait croire que ce sont surtout des bébés nés le jour ou la veille qu’on a ainsi baptisés. Pas du tout pas du tout! Ils ne sont que 16 sur les 123 : en Bretagne, l’unique représentant né ce jour-là a été prénommé Yves, comme presque tous les garçons là-bas : Yves Jégouic né le 25 décembre 1688. NOËL est donc un prénom à part entière, quasiment déconnecté de la fête chrétienne. Mais pour trouver un Saint Noël, il a fallu attendre Natalis abbé de Rilnamanach fêté -c’est un peu ballot- le 27 janvier ! On connaît aussi un Saint Natalis d’Ulster, un saint Noël, missionnaire jésuite envoyé au Canada et tué par un Iroquois – ou un Huron- qu’il avait converti - crut-il.
Jadis, le prénom fut surtout populaire dans la première moitié de XVIIe siècle, avec un déclin continu au long des deux siècles suivants. Sa géographie concerne surtout la partie Nord du pays, la Bretagne et l’Occitanie. De nos jours, prénom à éviter si vous ne voulez pas que votre enfant ait envie de rentrer sous terre chaque fois qu’on l’appelle, à moins qu’en bobo kamikaze vous vouliez être en avance d’une mode : il est complétement en perte de vitesse depuis les années 1960 après avoir culminé en 1948. Les concerné.e.s ont en moyenne 64 ans me dit entre deux pubs le site notre famille.com .
Dans ma population archivée, six seulement partagent avec moi le privilège ambigu d’avoir devancé le futur Messie de quelques heures. Qui sont mes jumeaux ou jumelles ? je vous présente la plus ancienne:t Marie Alexandrine LEFEL/ LEFELLE, née le 24 décembre 1707 à Estrées-Wamin, à l’Ouest d’Arras dans les premiers méandres d’un fleuve côtier, la Canche qui se jette à Étaples en face du Touquet. C’est encore l’Artois mais la Picardie est à une lieue. Le bourg le plus proche est Avesnes-le-Comte. Les LEFELLE y ont leur notaire: leur nom apparaît dans plusieurs actes de partage qui permettent de reconstituer la famille. En ces années de petite ère glaciaire, où se succèdent froids extrêmes, canicules, inondations sans compter la pression fiscale d’un monarque aux abois c’est miracle que la petite Alexandrine ait survécu aux famines et aux maladies. Il est vrai qu’elle est fille de paysans aisés : son grand-père était lieutenant de la Seigneurie de Wamin, tout comme son beau-père Jean RANSON, le second mari de sa mère.
Que fait-elle là d’ailleurs au milieu des LEBAS ? En fait cette jumelle d'il y a trois siècles se situe aux confins de ma galaxie maternelle. Elle « n’est que » la belle-mère de Marie-Thérèse LEBAS, une cousine germaine de Modeste LEBAS, mon ancêtre direct, personnage au centre d’un mystère familial que j’ai évoqué ailleurs, et arrière-grand-père de mon arrière-grand-mère Mélina dite aussi « Trompe-la-mort » car elle est morte à 89 ans après avoir été "extrêmisée" une douzaine de fois.J'interromps ce pastiche involontaire de la tirade du pompier de la Cantatrice chauve das sa fable "le rhume". Elle épouse un charpentier de Saulty de 15 ans son aîné mais qui vivra jusqu’à 102 ans. Elle le suit à Saulty où naissent leurs sept enfants. Je note parmi eux un Étienne, cabaretier durant la Révolution au relais de poste de L’Arbret - sur la route royale d’Arras à Amiens. Isidore et Nicolas reprennent le métier du père. Jean-Baptiste le dernier, celui qui épouse Marie-Thérèse LEBAS se déclare « potier de terre » en l’an VIII et panetier, c’est-à-dire qu’il moule des pannes, le nom din nou région des tuiles artésiennes ou flamandes.
Me voilà tout content. J’ai complété la famille de cette lointaine jumelle. J’ai pu remonter beaucoup plus loin que d’ordinaire, sans être freiné par ce rideau de fer de 1737 : à Estrées-Wamin, les actes ont été conservés tant bien que mal (parfois dans un état pitoyable) depuis la fin du XVIIe siècle ; sa voisine Saulty fait mieux : les plus anciens registres de baptême datent de 1664, au moment où l’Artois passe sous l’autorité de la France.
Tout serait donc parfait mais le diable et les détails font bon ménage, on le sait. Au moment où je tape le point final sur mon clavier pourquoi ai-je lidée fâcheuse – ou judicieuse- de revoir l’acte original de baptême de Marie Alexandrine et patatras : un gribouillis me saute aux yeux que je n’avais même pas pris en considération à première lecture « un enfant femelle Née le jour davant ».Une fausse jumelle du 23 décembre ! Pas de chance.