YEUX
T'as d'beaux yeux tu sais!
Leur couleur. Comment la connaître, sans photo-couleur, autochrome et même en noir et blanc – les yeux bleus si reconnaissables par leur pâleur ? Élémentaire Watson, si du moins c’est un homme dont les dossiers- matricules ont été conservés. Jusqu’à il y a peu, c’étaient des pièces méconnues des généalogistes, et pourtant d’une richesse incroyable. Mais y accéder relevait du parcours… du combattant (oui, facile…). La filiation, la carrière, les différentes adresses de l’intéressé sont décrites avec précision et en tout premier lieu son signalement, son instruction, sa taille (dépassant rarement le mètre 70). Ce sont des mots bien sûr, dont l’utilisation est laissée à l’appréciation du rédacteur (même la taille, passant allègrement parfois d’1m55 à 1m70, comme l’y invite naïvement une rubrique « taille rectifiée ». Des mots qui offrent matière à imaginer.
Yeux bleus, gris, châtains, et même roux. Pas beaucoup d’yeux noirs : mes recherches concernent une population de gens du Nord en majorité. Yeux bleus du zouave Lucien LECLERCQ, l’arrière-grand-père que j’évoque régulièrement ici. Il a fait la campagne du Tonkin, y a gagné une médaille que j’ai longtemps vue, accrochée sur un mur de la cuisine chez grand-mère Lucienne sa fille. Il s’est fait photographier en tenue coloniale blanche des zouaves (il était avec un copain que j’ai effacé de la photo) ; pour la couleur locale un jeune tonkinois joue les serviteurs qui remplit généreusement leur verre. Exotisme et succès assurés lorsqu’ au pays la famille reçoit un tel cliché. Yeux bleus de Marcel POISSON, l'enfant de l'Asssitance mort en 1915 aux Eparges: Lucien et sa femme l'avaient élevé comme leur fils. ils ont même bataillé pour que son nom soit inscrit sur le Monument aux morts de Bavincourt, le village crotté où le petit parisien qui se croyait maltraité par sa famille d'accueil avait passé toute sa jeunesse. J'ai eu longtemps dan s l'esprit, avant qu'il ne s'efface de mon souvenir- l'agrandissement pâli, sali de "culs de mouches" qui s'affichait au-dessus de la porte de la cuisine chez grand-mère Lucienne: une sorte d'Anquetil jeune, un normand blond aux yeux bleus.
Yeux bleus encore du breton de la famille, grand-père François - Jégouic de son nom
Yeux roux de Paul Émile Joseph GOSSART. Roux, des yeux ? Bizarre. En fait, c’est une chance qu’on le sache car normalement les fiches des dispensés (enseignants et ecclésiastiques) n’étaient pas remplies. Cousin-germain de NOTRE professeur de faculté Émile GOSSART et de son frère Jules le curé, Paul-Émile a mené jusqu’au bout sa carrière d’instituteur mais s’est empressé, la retraite venue, d’enfiler bottes et bourgeron du « cultivateur » comme il tient à se faire recenser, de se bâtir une ferme pour cultiver lui-même les terres dont il avait hérité. Une originalité à rebours de la tendance générale: la couleur de ses yeux ?