Waouh! Walburge?
Waouh ! Walburge ?
Que ceux qui connaissaient l’existence de ce prénom ou qui en ont déjà rencontré une (c’est féminin) lèvent le doigt! Personnellement, j’ai fait coup double : Walburge GOTTRAN (1671-1747) épouse de David DACHEUX, Walburge LANTOINE (1681-1754) mariée à Pierre BRASSART. Elles sont contemporaines, elles ont toutes les deux vécu à Bavincourt, Artois. Elles devaient se rencontrer, à l’église, au lavoir, au détour d’un chemin, au puits : elles échangeaient quelques mots ou partaient en de longs conciliabules en patois (en picard, pardon) petite coiffe sur la tête…Je viens même d’en
retrouver une troisième, Walburg Gottrant, toujours de Bavincourt, mariée à Nicolas CAUWET. Je connais ses parents, une kyrielle de cousins ; je peux la situer relativement à d’autres mais impossible de l’accrocher à une date précise ni d’affirmer si elle est liée ou non à la première.
Les sites spécialisés disent tout de la vie semi-fictive de Walburg(e) princesse saxonne qui quitte l’Angleterre à l’appel de St Boniface pour évangéliser les Saxons du continent. Avec cinq compagnes, elles traversent la mer du Nord : une tapisserie de la
Renaissance raconte l’épisode. Ses reliques se retrouvent un peu partout : à St Pierre de Munich, à Liège où un quartier porte son nom, à Furnes, à Bruges. Des églises lui sont consacrées en Alsace, en Flandre française. La popularité de ce prénom aux consonances si peu picardes a toujours été mince, particulièrement en Artois, mais avec des sursauts réguliers qui surprennent.
Le samedi 22 juillet 1747 (jour de marché peut-être à Avesnes-le-Comte) une partie de Bavincourt a fait le déplacement : Walburge LANTOINE veuve de Pierre BRASSART accompagnée de son beau-frère François BRASSART et de ses enfants Louis, Simon, Marie Jeanne, et Anne Joseph sont chez leur notaire. Sont également de la partie le cabaretier Pierre DERUY accompagné de son frère Nicolas, sa femme Marie-Madeleine COCQUEL et leur fille Marie Jeanne DERUY. On va dresser un contrat de mariage concernant Simon BRASSART et Marie-Jeanne DERUY mais auparavant, il s’agit de faire un arrangement chez les BRASSART : maintenant que l’aîné se marie, on va clarifier une situation restée en suspens depuis le décès du père 6 ans auparavant en 1741. Les garçons et les filles renoncent entièrement à leur part d’héritage (maison et autres bâtiments, biens meubles) au profit de leur mère. Ainsi maman Walburge peut se considérer à l’abri du besoin, des humeurs de ses futures belles-filles ou de ses gendres.
Ce genre d’acte est un régal pour le généalogiste : une véritable photo de famille avec tous les noms, sans les visages malheureusement mais à quoi sert l’inverse, ces magnifiques photos de mariage qui rassemblent les deux clans sans qu’on puisse mettre un nom sur quel que visage que ce soit ? Rendons ici hommage à l’équipe de bénévoles qui m’ont permis de trouver si facilement ce document : Jean-Claude Hérent qui a patiemment photographié une par une des centaines de pages (recto-verso), Daniel Morand qui les a déchiffrées et transcrites (et les écritures de notaire sont aussi lisibles que celles des médecins) et l’Association Généalogique du Pas-de-Calais qui a édité tout ce travail (AGP AD du P-de-C 4E33 1735-1756 N°83,84)
Comme tous les rats de bibliothèque qui fouinent pendant des jours dans les cartons verts des archives, j’ai parfaitement conscience du service inestimable qui est ainsi rendu car pour l’autre Walburge, si j’ai aussi le même genre de document, c’est à la chance que je le dois ou du moins à un patient, fastidieux dépouillement de liasses. Fastidieux ? Oui si on s’est donné un but précis : autant chercher une aiguille dans une botte de foin, sans être sûr d’ailleurs que l’aiguille existe. Gratifiant en réalité -si l’on n’est pas pressé : on butine, on fait son miel, on tombe sur des raretés, on compte sur le hasard (mais avec un œil de buse) qui vous fait trouver ce que vous ne cherchiez pas (la fameuse sé-ren-di-pi-té), on engrange (au cas où…). Un jour d’avril 2010, campagne de fouille organisée aux Archives départementales d’Arras, centre Mahaut d’Artois. La batterie du Lumix est rechargée. Installé près des larges baies je profite de la lumière du jour. Il faut rentabiliser la journée. Je parcours les grands feuillets, la pupille dilatée sur quelques noms dont j’ai la liste devant moi : GOTTRAN, LANTOINE, LECLERCQ, LEBAS etc. Regard de lynx : repérer, photographier, tourner la page, passer à un autre acte…. Retour à la maison, légender, classer, déchiffrer et transcrire au fur et à mesure… lassitude.
Déchiffrer ? Décrypter plutôt: Walburg Gottran m’a donné du fil à retordre. Elle n’est pas le personnage central, seulement la sœur de la mariée. Mais avec ce contrat du 20 juillet 1690 qui court sur 10 pages, je tiens ma récompense : les Lantoine et les Leroy au grand complet : sœurs, beaux-frères, frères, belles- sœurs, parents, une description détaillée de la dot (en avance d’hoirie) : boitelées, mesures, razières de bled s’accumulent ; de l’autre côté inventaire modeste d’un atelier de charpentier, et le détail des frais de banquet de noces et autres. On prévoit même les dispositions pour des funérailles éventuelles (AD 62 4E32-6 20 juillet 1690)!