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terresdartois
9 octobre 2020

des lilas mais ceux de Romy

d

les lilas de Romy

             

        

lil manet

 Impossible de laisser passer le joli mois de mai sans évoquer les lilas,  le lilas blanc surtout, ma fleur préférée. Dans le Haut-Berry, ils ont tardé mais ce fut ensuite partout au fil des jours un festival  de nuances et de parfums. En Artois, pour le jardin de la maison qu’il avait fait bâtir, papa avait choisi deux lilas, un blanc double , et un violet pâle. Chaque année je demandais toujours de leurs nouvelles, impatient de savoir quand ils allaient s'épanouir. Plus d’un demi-siècle après, le violet est toujours là; le blanc est mort  Mais il avait drageonné et se survit donc. J’en ai transplanté une repousse dans ma campagne, qu’il a fallu  arroser copieusement durant trois étés pour qu’elle s’acclimate et s’installe dans une terre très lourde,  cette argile rouge à fabriquer les pots en gré dont La Borne s’était fait une spécialité.

            Toutes les nuances lilas sont intéressantes, du plus profond pourpre comme ce « Charles Joly » que je me suis offert l’an dernier jusqu’au délavé toujours  un peu phtisique dans son demi-deuil distingué. Et ce parfum si délicat et enivrant qui embaume l’air au moindre souffle de zéphyr printanier! Pourquoi, cependant,  comme tant d’autres,  ai-je une préférence pour le lilas blanc? Peut-être parce que ses hampes volumineuses  illuminent la verdure  et captent le moindre éclat de lumière comme dans le petit tableau de Manet. Mais les pluies  font rouiller immanquablement ses fleurs doubles ou triples. Délicatesse et fragilité. De quoi 

lil blc 3 couplets

inspirer à Théodore Botrel le surnom de Lilas Blanc pour la pauvre héroïne d’une chanson mélodramatique que Mayol crée en 1904 (on a conservé de lui une version de 1941 enregistrée quelques mois avant sa mort).  Berthe Silva inscrit évidemment à son répertoire ce miracle du lilas blanc, avec autant de succès que « les roses blanches » et une capacité redoutable à tirer les larmes  aux plus endurci-e-s.  Les chanteurs de rue avec leurs « petits formats » propagent la chanson à la mode jusque dans le moindre village. L’école publique elle-même s’inscrit dans le sillon des media de l’époque: Gabet imagine en un habile mixage

LILAS ilustr rédac127

des roses blanches et de lilas blanc un scénario de rédaction propre à éduquer à la charité et à la sensibilité (Gabet et Gillard  Vocabulaire  Cours supérieur Hachette p.233).

      Symbole de pureté, le lilas blanc?  Dans le langage des fleurs, il en va tout autrement : « Aimons-nous » ordonne-t-il sans fard

lilas langage des flr

. De son côté  la Boule-de-neige  (je l’adore aussi; elle était le seul ornement de la petite maison -un simple baraquement en fait- de mon arrière-grand-mère)  ose clamer impudemment « je suis fier de vous aimer ».  Carpe diem cynique et machiste si on écoute bien ses paroles, la chanson Quand refleuriront les  lilas blancs  exprime un  vibrant  appel à la jouissance sans lendemain, aux amours esquissées dans les guinguettes - et la jeune ouvrière  s’en revient le dimanche soir en tortillard à Paris, les bras chargés de branches fleuries cueillies par-dessus les murs des jardins de banlieue, la tête envoûtée de leur parfum et de souvenirs sensuels, même si dans un  reste de lucidité elle  est obligée de constater avec quelle rapidité les grappes odorantes commencent déjà à se faner comme un signe avant-coureur du devenir de  ses amours d’un jour. Pas de nostalgie ni de regret cependant: l’an prochain reviendra la saison des lilas et des amours d’un jour chante avec entrain Paul Gesky.

       À s’en tenir toutefois au premier vers – le seul que je connaissais jusqu’ici-,   comment ne pas imaginer l’utilisation du temps du futur comme un écho de la souffrance et de la nostalgie qu’exprimait le Temps des Cerises  ou sur un autre registre, les douloureux accents en mode mineur  qu’ Ernest Chausson a su trouver dans son poème de l’Amour et de la Mer pour mettre en musique les paroles si simples par lesquelles Maurice Bouchor évoque un amour irrémédiablement perdu : « Le temps des lilas et le temps des roses ne reviendra plus »

 

           J’aimerais ici avoir l’érudition volubile et zozotante de Jean-Christophe Averty. Pour l’érudition au moins, les sites mentionnés  à la fin de mon blog peuvent rivaliser avec notre défunt  « cinglé du music-hall »

    J’ai laissé de côté bien d’autres chansons qui ont pour thème les lilas,  symbole de l’attrait et de la fragilité des amours printanières, -comme la rose  à laquelle ils sont souvent associés. Dans   Vive la rose et le lilas j’adore l’allégresse avec laquelle  l’amante délaissée imagine la mort de sa rivale : On dit qu’elle est malade / O gué vive la rose / Peut-être qu’elle en mourra / Vive la rose et le lilas

 « Dans le jardin d’mon père les lilas sont fleuris »  Ravalée désormais au rang de chanson enfantine « Auprès de ma blonde »  n’a rien d’intemporel. C’était à l’origine une chanson militaire très en vogue au XVIIIe siècle. Elle avait pour titre premier « le prisonnier de Hollande ». Lilas dit la version édulcorée, quand la version  originelle évoque des lauriers, promesses de gloire militaire. Et c’est un prisonnier français, lieutenant de la marine royale  retenu deux ans en Hollande qui en est l’auteur au XVIIe.

      Quant aux lilas blancs, trois chansons au moins les utilisent.  La malheureuse Lilas Blanc héroïne du mélo de Botrel est déjà  connue de nos services. L’avait précédée une romance de 1890  « Quand les lilas refleuriront » (paroles d’Auriol) interprétée à l’ancienne sur rouleau par un Émile Mercadier  fringant du toupet et de la moustache.  J’aime les capuchons de laine , le vert et le rouge du premier couplet et  au dernier couplet, comme dans toute chanson d’amour le thème récurrent des baisers mensongers.

             Quarante  ans après, les mentalités ont évolué,  et les années trente assument  cynisme et liberté de mœurs comme en témoigne  un titre presque semblable: « quand refleuriront les lilas blancs ». Cette précision de la couleur change tout: elle donne à voir et singularise l’arbuste;  elle joue en outre sur le contraste entre  le symbole affiché  de pureté et la légèreté des unes, la désinvolture des autres. J’ajouterai (le prof de français reprend du service) que le premier vers de la chanson, fermement encadré par les nasales de quand et blancs tricote  une modulation des voyelles autour des liquides R et L: quand refleuriront les lIlas blancs. L’inversion du  verbe jeté en premier donne une note plus poétique que l’ordre habituel ( sujet –verbe) et dilue la rudesse des R qu’Auriol dans sa romance met  systématiquement à la rime. Que voilà mine de rien de la belle ouvrage! Bref je préfère. Et ce n’est pas pour rien que la chanson a connu un tel succès.

              «Et de qui la mise en onde? »  -pour parodier le générique de signé FURAX. Pierre Arnaud de Chassy-Poulet?  (c'était son véritable nom!) Que nenni bien sûr. La paternité est multiple. Et voici (foin de modestie) une  des belles histoires de l’oncle DAUC  en mode « poupées russes ». Les paroliers   de ce « fox-trott chanté » se sont mis à trois, d’une identité  flottante, au gré des « petits formats » ( des éditions Salabert entre autres) et des sites du Web: Léo Lelièvre fils,  Henri Varna (ou Varha parfois), F. Rouvray  (celui-ci rarement cité). Une « version nouvelle » chantée par Lucienne Delyle  et Renée Lebas mentionne  Eddy Marnay,  un parolier à succès actif après 1945.  Un usurpateur donc  -à moins qu’il n’ait imaginé d’autres paroles (j’en doute – mais je n’ai pu l’écouter). Musique: Franz DOELLE. Lui ne varie pas.  Première poupée. Elle en cache une autre en son sein: un des petits formats donne aussi pour ce « tube »  de 1929 un titre  allemand « Wenne der weisse Flieder wieder Blüht ». C’est donc l’adaptation, fait rare, d’un original allemand et non américain. Un témoignage parmi d’autres  du rayonnement culturel européen de la République de Weimar. Adaptation réussie : la musique semble faite pour ces paroles françaises qu'elle met parfaitement en valeur. Troisième poupée: cette chanson  est  tirée   (merci Internet) d’un film du même titre, sorti à Berlin en 1930. Un des premiers films parlants et peut-être d’abord  une revue musicale: musique Franz Doelle, scénario et dialogues de Fritz Rotter qui a adapté un de ses romans et écrit les paroles de la chanson.  Le héros après une vie de patachon finit par connaître le succès en chantant Wenne der weisse Flieder.... Une mise en abyme en somme.

       De cette antiquité je n'ai réussi à recueillir que la photo de la vedette accompagnée d'une fiche technique.  Difficile de trouver plus de renseignements car  ce film ou cette revue filmée ont été complètement éclipsés par un remake de 1953: même titre, même volonté d’ optimisme dans un autre après-guerre encore plus éprouvant. Réalisateur : Hans Deppe. Titre Lilas Blancs. Titre original Wenne der weisse Flieder wieder blüht. Scénario d’après Fritz Rotter. Musique: Franz Doelle fidèle au poste à 70 ans : né en Wespthalie en 1883, décédé en Westphalie en 1965, il a écrit la musique d’une dizaine de films musicaux, dont ces deux versions de Lilas blancs à 25 ans d’intervalle. Contrairement à nombre d’artistes allemands ou autrichiens, il ne s'est pas exilé. Il aura connu tous les avatars de l’Allemagne moderne,  de  Bismarck à Adenauer.

        La vedette du film devait être en théorie Magda Schneider mais les projecteurs se déplaceront bientôt sur Romy Schneider, sa fille de 15 ans  qu'elle a su imposer et dont c’est le premier rôle. La comparaison entre trois affiches (malheureusement non datées) est éloquente jusqu'à la caricature. Une des  premières affiches ignore parfaitement la star en herbe: au centre du montage,  le couple vedette (bien peu glamour) dans un noir et blanc tristounet rehaussé de bleu. La toute récente République Fédérale est pauvre; sous la houlette du Dr Erhard elle se serre la ceinture pour redresser son économie. Les intrigues maternelles réussissent trop bien: la carrière de Romy s'envole, éclipsant celle de Magda: dans une affiche belge bilingue ses joues rebondies encore enfantines, son regard  en coulisse dirigé vers le spectateur accaparent l'attention mais elle n'apparaît pas  au générique. Papa et maman l'encadrent solidement; le visage de Magda, son sourire éclatant prennent la place principale. Parenthèse: c'est l'occasion d'apprendre qu'en néerlendais lilas se dit Serynga, du nom botanique. Mais alors comment nommer les seringas?  En Espagne, le distributeur mise tout sur le  nom de Romy qui entoure comme d'une auréole sa bouille charmeuse: le succès des Sissi a fait son oeuvre.  Ses partenaires, même sa mère (visage à peine ressemblant)  n’ont droit qu’aux rôles d’adorateurs  de la diva naissante. A star was born Comment peut-on imaginer que cette incarnation d’une jeunesse heureuse et malicieuse se métamorphoserait en une vedette complexe et tragique?  Les sourires de Lilas blancs cachaient les manœuvres d’une mère calculatrice soucieuse de relancer sa carrière. En s’appuyant sur l’image innocente et positive de sa fille  que les divers SissI exploiteront, elle a cherché  à  faire  oublier à ses compatriotes ses propres compromissions  comme celles de tout un peuple.  Jusqu'à ce que Romy Schneider  refuse d’accepter plus longtemps l’artifice de son personnage cinématographique. Il se dit que son rejet d’une mère étroitement liée à la nomenklatura nazi et son propre sentiment de culpabilité  ont joué dans son désir d'adopter la nationalité française  et de choisir  des prénoms juifs pour ses deux enfants David et Sarah.

 

 p  o  u  r  l  e  s  c  u  r  i  e  u  x

  -  Auprès de ma blonde  XVIIè

https://fr.wikipedia.org/wiki/Aupr%C3%A8s_de_ma_blonde  

 -Pour approfondir : on trouve de tout sur Internet comme autrefois à « la Samaritaine »: le site Auprès de ma blonde  redirige vers un site paronyme au pré de ma blonde,  la blonde en question étant… une bière.Suit une liste qui se veut exhaustive des centaines de bières brassées en France. Je note qu’à Lisieux, afin de contrebalancer sans doute l’influence « délétère » de la petite sainte Thérèse,  un solide anticléricalisme a probablement inspiré  les bières Kékette et leur capsule. L’esprit souffle où et comme il peut dans nos régions

           - Le temps des cerises  (paroles J-B Clément 1866 musique Ant. Renard 1868)

https://www.youtube.com/watch?v=fFI7ICbHUYQ  (Réda Caire 1931)

   Quand les lilas refleuriront 1890   (G. Auriol, D. Dihau) (interprété par Emile Mercadier 1908)

http://www.dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net/paroles/quand_les_lilas_refleuriront.htm 

-       Lilas blancs   1904 Théodore Botrel

http://www.dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net/paroles/lilas_blanc.htm   /

https://www.youtube.com/watch?v=uWdeJDbjt7s   (Berthe Silva)

http://www.dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net/fiches_bio/mayol/mayol_interview.htm  ( Mayol a cappella en 1941 six mois avant sa mort)

 -       Quand refleuriront les lilas blancs  (1929) (musique Franz Doelle paroles françaises de Lelièvre fils, Varna, Rouvray)

http://gauterdo.com/ref/qq/quand.refleuriront.html 

https://www.youtube.com/watch?v=ie0gEJX030c   (Paul Gesky  déploie  une énergie revigorante de dragueur du dimanche)    sur le même site

https://www.youtube.com/watch?v=NJ7biFGsdTU version originale Gramophon 1929

https://www.youtube.com/watch?v=NJ7biFGsdTU  version   originale Gramophon de  1929

https://www.youtube.com/watch?v=Axup79QgIyU   1995 Max Raabe :  pastiche des années trente

 

https://www.youtube.com/watch?v=1lH53anmY4M  ( Henri Crolla swingue à la guitare)

 https://www.dailymotion.com/video/xvube      ( film allemand en V.O. de 1953) https://www.notrecinema.com/communaute/v1_detail_film.php3?lefilm=28664   (tout savoir sur ce film)

 

 -       Le poème de l’Amour et de la Mer  (musique E. Chausson paroles M. Bouchor)

https://www.youtube.com/watch?v=3kFjepFI4-E (Gérard Souzay) https://www.youtube.com/watch?v=crqunhJjekw (Germaine Corney 1931)

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Commentaires
J
Je ne connaissais pas cette chanson. Merci pour cette branche que j'ajoute à mon bouquet. Une recherche sur internet me donne ce site<br /> <br /> https://medihal.archives-ouvertes.fr/medihal-00578149 paroles Riffey musique Marinier et le lien du petit format https://thumb.ccsd.cnrs.fr/8160158/large <br /> <br /> est-ce de cette chanson qu'il s'agit? Je ne vois pas d'interprétation enregistrée...Désolé. Cordialement
Répondre
L
Bonjour nous cherchons les references d’une chanson « en cueillant des lilas dont nous avons la partition mais pas d’interpretation enregistrée ? La connaissez vous ?<br /> <br /> Merci !Bien cordialement<br /> <br /> Luc Monod 06 09 22 36 66
Répondre
M
Beau travail!
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terresdartois
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