Vivent Védastine, Vindicien et Vénérand!
On a beau s’attendre à tout avec les prénoms d’autrefois, à ma première rencontre avec une Védastine je me suis demandé si j’avais bien lu : jamais je n’avais entendu ce prénom à Bavincourt.
J’avais connu une Palmyre couturière (c'est même un des prénoms de ma mère), une Bertille (à Maroeuil près d’Arras une source consacrée à la sainte serait bénéfique aux aveugles), une Bellisante aussi. Les féminisations improbables en -tine , j’en ai rencontré plus d'une, Robertine, Rénatine (au lieu de Renée) Adolphine, sans compter Modestine l’ânesse que Robert Stevenson traitait plutôt mal au cours de son périple dans les Cévennes. Dans ma base de données de 15000 personnes, les Védastine sont pourtant une petite vingtaine, toutes du Pas-de-Calais. Chez certaines le prénom arrive en deuxième ou troisième place. Pour d’autres, c’est le seul prénom. Impossible que les malheureuses se soient ainsi dénommées dans « la vie courante ».
Au fait, à quel saint pouvaient bien se vouer les Védastine? J’ai dû donner ma langue au chat et je suis tombé sur un site du diocèse d’Arras « les saints locaux ». Mais bon sang, bien sûr, Saint VAAST - prononcer [va:]- ! , VEDASTUS en latin. J’apprends par la même occasion, vous aussi peut-être, que GASTON en est le diminutif. Nombre d’églises du Pas-de-Calais lui sont dédiées, dont l’Abbaye Saint-Vaast d’Arras. Il a instruit religieusement Clovis qu’ensuite a baptisé et couronné Saint Rémi. Celui-ci a envoyé son vicaire évangéliser l’Artois – ou plutôt ré-évangeliser la région devenue inhabitée après les invasions. C’est ce que signifierait l’épisode de son face à face avec un ours dans une église en ruines tel que le raconte Jacques de Voragine dans sa Légende dorée. J’ai été profondément déçu que Michel Pastoureau dans son excellent ouvrage L’ours Histoire d’un roi déchu (Seuil) n’en fasse aucune mention. Honte à lui (je plaisante). À mon grand étonnement Vaast est très peu choisi comme prénom, bien moins que l’infernal Védastine alors que le nom VAAST, VASSE n’est pas une rareté. Dans l’entourage de mes Védastine, aucun parent prénommé Vaast pour justifier qu’on lui rende hommage en affublant la fillette d’une telle singularité – qu’elle a peut-être ignoré toute sa vie, se prénommant Marie, Henriette, Jeanne ou Marion comme tout le monde.
VINDICIEN, autre spécialité strictement locale : il est né à Bullecourt, entre Arras et Bapaume. Il est élevé par St Eloi. Introduit dans le clergé d’Arras par St Aubert (encore une gloire régionale qu'honore la rue principale d’Arras) il succède à son « parrain ». À sa mort vers
712, il est enterré à l’abbaye qu'il avait fondée à Mont-Saint-Éloi, à 10 kilomètres d’Arras. Le prénom ne se rencontre que dans une ou deux familles de mes « connaissances ». Par exemple un clerc laïc né dans les environs de Bapaume transmet scrupuleusement son prénom à son neveu qu’il parraine.
VÉNÉRAND: les seuls que je connaisse sont de Quesnoy-sur-Airaines, un village du Vimeu dans la Somme. Ils se prénommaient plus couramment Louis. Ce sont des CHEMINEL que j’ai cru longtemps de ma famille mais j’ai dû me rendre à l’évidence après avoir remué les registres dans tous les sens: impossible de trouver un lien entre ces deux familles. Pourquoi donner ce prénom ? Pas d’autre Vénérand dans l’entourage. D’ailleurs le prénom ne fait pas référence à un saint local mais à Saint Vénérand né à Troyes et mort décapité à Acquigny près de Louviers. Une partie de son chef enfermée dans un magnifique reliquaire fut ballottée de Conches à Acquigny pour trôner finalement dans l’église de Laval bâtie en l’honneur du saint, Saint Vénérand de Laval. De ce culte normand du saint , faut-il en déduire que mes mystérieux CHEMINEL installés à Quesnoy-sur-Airaines depuis le début du XVIIIè siècle ont des origines normandes ou angevines? je pose la question aux lecteurs de bonne volonté.